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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 15 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean Leonetti

M. Jean-Jacques Urvoas

Avant l’article 1er (suite)

Amendement no 894 à 910

Rappels au règlement

M. Bruno Le Roux

M. Jean-Christophe Lagarde

Reprise de la discussion

Mme Catherine Quéré

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Reprise de la discussion

Rappels au règlement

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-Claude Sandrier

M. Patrick Ollier

M. Jean-Jacques Urvoas

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Reprise de la discussion

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Reprise de la discussion

Amendement no 1

Article 1er

M. Christophe Caresche

M. Arnaud Montebourg

M. Alain Vidalies

M. Jean-Claude Fruteau

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Jacques Valax

M. Bernard Lesterlin

M. Bruno Le Roux

M. Jean Mallot

M. Marcel Rogemont

M. Philippe Tourtelier

M. Alain Néri

M. Jean-Christophe Lagarde

M. René Dosière

Rappel au règlement

M. Jean-Jacques Urvoas

Reprise de la discussion

Mme Marylise Lebranchu

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Marietta Karamanli

Amendement no 3853

Demande de vérification du quorum

M. Jean-François Copé

M. le président

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Application des articles 34-1, 39 et 44
de la Constitution

Suite de la discussion d’un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).

Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 894 à 910, portant article additionnel avant l’article 1er.

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Mon rappel au règlement a pour objet de vous faire comprendre la nature profonde de notre préoccupation : elle a trait au droit d’amendement…

M. Jean Leonetti. Ça ne nous a pas échappé !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est ce droit d’amendement auquel vous entendez toucher en instaurant un temps limité pour l’examen des projets de loi.

À ce sujet, je souhaite lever tout malentendu. Le président de l’Assemblée nationale a envoyé aux présidents de groupe une lettre dans laquelle il précise les perspectives et les engagements qui sont les siens dans deux domaines : le droit d’expression et d’amendement des parlementaires et, plus largement, les droits des groupe d’opposition et des groupes minoritaires. Or ses propositions ne sont pas de nature à nous rassurer, car elles ne changent rien.

Par parenthèse, nous ne devrions discuter ici ni du temps de parole ni de la limitation du temps d’examen des projets de loi, qui relèvent du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, lui-même contrôlé par le Conseil constitutionnel. Le fait que l’exécutif se mêle de cette question est donc déjà pour nous un casus belli.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est le respect de la Constitution !

M. Jean-Marc Ayrault. J’en reviens cependant aux propositions du président Accoyer dont je vous livre quelques exemples. « Attribuer le temps imparti dans le cadre des débats consécutifs aux déclarations du Gouvernement pour moitié aux groupes d’opposition » : Ce n’est pas une proposition nouvelle, car c’est déjà le cas – nous en avons eu l’illustration hier, lors du débat sur la situation à Gaza.

« Partager à égalité le temps des questions au Gouvernement entre majorité et opposition » : cela ne change rien ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est profondément inexact !

M. Jean-Marc Ayrault. L’opposition dispose de cinq questions sur douze. À qui voulez-vous attribuer la sixième ? aux non inscrits ? Nous ne sommes plus ici dans la théorie mais sur des faits précis, et je ne vois pas quel changement profond apporte cette disposition.

« En plus des seules questions au Gouvernement, prévoir cette égalité du temps de parole pour les activités de contrôle et d’évaluation » : encore faudrait-il comprendre de quoi il s’agit précisément.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Vous ne voyez pas de quoi il s’agit mais vous contestez quand même !

M. Jean-Marc Ayrault. « Reconnaître aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires le droit d’obtenir la création d’un certain nombre de commissions d’enquête et de missions d’information » : mais en quoi cela concerne-t-il plus l’opposition que la majorité ?

« Prévoir que la fonction de président ou de rapporteur de ces commissions ou missions reviennent de droit à un membre de l’opposition » : est-ce la majorité qui va décider si l’on nous octroie le rapport ou la présidence ? La question se pose depuis des années déjà.

« Prévoir que toute mission d’information créée par une commission doit comprendre au moins deux membres, dont un membre de l’opposition » : vous parlez d’une réforme ! C’est déjà l’usage.

« Inscrire dans le règlement le principe de l’attribution de la présidence de la commission des finances à l’opposition » : là encore, c’est déjà le cas. Où est le changement ?

« Prévoir la multiplication par trois du nombre de séances d’initiative parlementaire attribuées aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires » : je rappelle quand même qu’en l’occurrence les groupes minoritaires, ce sont les groupes peu nombreux de la majorité, ce qui fait que cette proposition concerne à la fois la majorité et l’opposition.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quand vous êtes dans l’opposition, vous ne donnez rien à l’opposition, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. Quant au droit de l’opposition à avoir davantage de temps d’initiative parlementaire, cela ne nous intéresse pas.

M. Jean Leonetti. On en prend acte !

M. Jean-Marc Ayrault. En effet, chaque fois que nous avons déposé une proposition de loi, vous en avez arrêté l’examen après la discussion générale. Pas une seule fois vous n’avez accepté l’examen des articles et des amendements, pas une seule fois vous n’avez permis à une proposition de loi venant de l’opposition à l’Assemblée nationale d’aller jusqu’au Sénat ! Comment dans ce cas vous faire confiance ? La véritable avancée serait de dépasser le stade de la discussion générale.

Quant à la dernière proposition du président, qui consiste à « prévoir l’inscription à l’ordre du jour de propositions de résolution à l’initiative de groupes d’opposition ou de groupes minoritaires », c’est tout notre débat d’hier, qui va se poursuivre aujourd’hui. Il s’agit du fameux droit de résolution que votre réforme, à travers cette loi organique, veut soumettre au contrôle du Premier ministre et de l’exécutif.

Les droits du Parlement sont déjà faibles, alors ne nous faites pas croire que l’opposition obtiendra des droits supplémentaires ! Nous avons eu droit hier soir à une déclaration d’une très grande violence de la part de M. Copé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il a pris la parole vers minuit pour un rappel au règlement, au motif que j’avais moi-même, ainsi que quelques collègues, fait quelques rappels au règlement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) « Profitez-en, nous a-t-il menacés, cela ne va pas durer et bientôt vous ne le pourrez plus ! »

Est-ce donc cela qu’il y a derrière votre projet ? Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, avez-vous l’intention de nous ôter la possibilité de faire des rappels au règlement ? Voulez-vous aussi supprimer le quorum ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce sont en substance les propos de M. Copé, hier soir, je n’invente rien !

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Le dialogue s’installe !

M. Jean Leonetti. Le parallélisme des formes veut que, lorsque le président du groupe socialiste met en cause personnellement le président de notre groupe, nous ayons un droit de réponse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Ne vous privez pas, prenez tout votre temps !

M. Jean Leonetti. M. Ayrault prétend ne pas être intéressé par les avancées que propose le président de l’Assemblée nationale. Nous en prenons acte. Une fois de plus le parti socialiste prend tout ce qu’on lui donne et négocie le reste !

M. René Dosière. Belle méthode !

M. Marcel Rogemont. Sarkozy l’a pas mal utilisée !

M. Jean Leonetti. Il vous paraît normal qu’aujourd’hui le président de la commission la plus importante de notre assemblée soit donnée à l’opposition. Vous considérez aussi que le partage du temps de parole, le droit de demander des commissions d’enquête, la parité dans les missions d’information et l’égalité de temps sur les missions d’évaluation et de contrôle, qui sont autant de gages de démocratie dans un Parlement moderne, ne sont pas dignes de votre intérêt.

Quant au rappel au règlement de Jean-François Copé, hier soir, il s’agissait de dénoncer la fâcheuse habitude qu’a M. Ayrault depuis quelques jours de se réveiller à minuit et demi pour demander un quorum.

M. Bruno Le Roux. Supprimez le quorum, pendant que vous y êtes !

M. Jean Leonetti. Nous ne pouvons y voir autre chose qu’une manœuvre visant à faire obstruction, à retarder les débats. En effet, demander un quorum à minuit et demi, monsieur Ayrault, n’apporte rien à la démocratie ni à la dignité de cette assemblée.

M. Marcel Rogemont. Le quorum se demande avant minuit !

M. Jean Leonetti. Nous prenons donc acte que les avancées proposées par l’exécutif, la majorité et le président de l’Assemblée nationale n’intéressent pas le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous allons maintenant passer à l’examen des amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaite que nos collègues qui siègent ce matin dans le cadre de l’examen du projet de loi organique sur les articles 34-1, 39 et 44 puissent avoir connaissance de deux documents.

L’un a été demandé par les commissaires aux lois la semaine dernière, lorsque, le mercredi matin, nous avons étudié les soixante-huit amendements déposés par le groupe socialiste. Nous avions à cette occasion évoqué le fait que plusieurs de ces amendements étaient issus d’un travail auquel font écho les propos du président Ayrault à l’instant et qui portait sur le futur statut de l’opposition, dont nous aurons à discuter lorsque le Gouvernement déposera un projet de loi organique sur le nouvel article 51-1 de la Constitution.

En effet, mercredi dernier, nous avons déposé des amendements faisant apparaître des souhaits, des propositions qui seraient autant d’avancées pour les droits de l’opposition. Or ces propositions étaient en partie issues du groupe de travail réuni par M. le président Accoyer depuis le mois d’octobre : de nombreuses réunions se sont tenues dans un climat me semble-t-il constructif et fécond, au terme desquelles, le 2 décembre, a été dressée une liste de vingt et un points d’accord. Lors de la réunion de la commission des lois, mercredi dernier, j’ai évoqué cette liste en demandant au président Geoffroy – qui présidait nos travaux, puisque Jean-Luc Warsmann en est le rapporteur – que tous les commissaires aux lois puissent en recevoir copie, de façon à ce qu’elle ne soit pas simplement réservée aux membres du groupe de travail. Le président Geoffroy m’a donné acte de ce souhait. À ce stade de nos débats, de façon à permettre à chacun d’entre nous de disposer de ce document, je renouvelle ma demande.

Le second document est la lettre dont M. Jean-Marc Ayrault faisait état à l’instant. Il serait bon que chacun d’entre nous puisse en disposer, de façon à comparer les faits, les actes et les intentions : en effet, le président Accoyer a fait hier, dans le Figaro, des avancées que nous ne retrouvons pas ce matin.

Avant l’article 1er (suite)

M. le président. Nous pouvons maintenant en venir à la discussion des vingt-deux amendements identiques, nos 889 à 910.

La parole est à M. René Dosière, pour défendre l’amendement n° 894.

M. René Dosière. Cet amendement a pour objet de montrer que, contrairement à ce que dit la majorité, ce texte vise à réduire les droits du Parlement. Je voudrais en apporter la démonstration.

Pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, utiliser cette procédure pour traiter du droit d’amendement des parlementaires ? L’article 13 est en effet la partie centrale de ce texte. Le droit d’amendement est un problème interne à l’Assemblée dont, jusqu’à présent, il n’était traité que dans notre règlement. Pourquoi une loi ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour respecter la Constitution !

M. René Dosière. J’entends bien, monsieur le président de la commission des lois : la Constitution le prévoit, vous l’avez dit. Elle exige, certes, une loi organique, mais les deux articles 12 et 13 ne sont pas nécessaires. La loi organique pouvait parfaitement s’en tenir au premier de ces articles, en laissant aux parlementaires – comme c’est la tradition – le soin de discuter du règlement intérieur.

M. Jean Mallot. Bien sûr !

M. René Dosière. Et s’il fallait une loi, pourquoi avoir préféré un projet de loi – c’est-à-dire une initiative de l’exécutif – à une proposition de loi, qui serait émanée du parlement ?

M. Jean Mallot. Bien sûr !

M. René Dosière. Le problème dont nous discutons, on le voit bien, ne se situe pas entre la majorité et l’opposition – même si naturellement la majorité refuse d’entendre nos arguments. C’est celui du rapport entre l’exécutif et le Parlement. La volonté du Président de la République – car le Gouvernement, dans cette affaire, n’existe plus beaucoup –…

M. Jean Mallot. Depuis longtemps !

M. René Dosière. …c’est de domestiquer l’Assemblée nationale.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !

M. René Dosière. Ce ne sont pas des affirmations vaines : je le démontre en me référant à une déclaration du secrétaire général de l’Élysée – qui est un fonctionnaire. J’ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires, mais enfin dans un système démocratique, ce sont tout de même les élus qui doivent décider ! Les fonctionnaires exécutent, mais ils n’ont pas à dicter leur loi aux élus.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le secrétaire général de l’Élysée est un fonctionnaire haut de gamme ! (Sourires)

M. René Dosière. Or voilà un fonctionnaire qui nous dit : les socialistes font de l’obstruction, il faut les en empêcher ; le président de l’Assemblée nationale a reçu consigne de mettre bon ordre à tout cela. C’est bien l’exécutif – qui plus est par une voix qui n’est nullement autorisée – qui se permet d’intervenir dans le débat !

J’ajoute qu’au fond, je comprends cette intervention : finalement, celui à qui ce fonctionnaire rend compte – c’est-à-dire le Président de la République – n’a pas de culture parlementaire, contrairement à ce qu’il peut dire. Il ne sait pas ce que c’est que l’Assemblée nationale. Il n’a pas comme nous participé à ses travaux, il n’a pas passé des nuits sur des textes ni défendu d’amendements, il n’a pas écouté les autres…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Cela n’a rien à voir !

M. le président. Veuillez revenir à votre amendement. Le règlement de notre assemblée est très clair : on doit discuter de l’amendement, et pas d’autre chose.

M. René Dosière. J’ai commencé mon exposé en soulignant que l’amendement visait à montrer que cette loi vise « à encadrer drastiquement le pouvoir de résolution des parlementaires ».

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il ne s’agit que de changer un titre ! Cela n’a aucune conséquence juridique !

M. René Dosière. Je démontre qu’en réalité, la volonté du Président de la République est bien de domestiquer l’Assemblée nationale !

M. Jean Mallot. La démonstration est claire !

M. René Dosière. C’est la raison pour laquelle j’utilise le droit fondamental d’amendement, qui est celui de tous les parlementaires, y compris avec ses éventuels excès – mais mieux valent des excès de parole qu’un silence excessif !

M. le président. Veuillez conclure.

M. René Dosière. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que la majorité comprenne qu’il faut défendre les prérogatives de l’Assemblée nationale, et non pas la soumettre au Président de la République.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 895.

Mme Marietta Karamanli. Nous reprenons ce matin nos travaux sur ces différents amendements qui portent sur le pouvoir de résolution des parlementaires. Je souhaitais rappeler que cet amendement vise à éclairer nos concitoyens sur la réelle finalité du chapitre premier de ce projet de loi.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il vise à changer un titre !

Mme Marietta Karamanli. Tel que ce chapitre est rédigé, il n’a pas pour objet de revaloriser le travail parlementaire ou le rôle de l’Assemblée nationale grâce aux résolutions ; il a pour objet de brider le Parlement.

Je voulais aussi rappeler que notre assemblée devrait normalement être la gardienne de sa propre autonomie, et des prérogatives qui lui permettent de la défendre. Parmi ses privilèges figure notamment le pouvoir exclusif de régir ses affaires internes sans ingérence extérieure et de prendre des mesures qui relèvent de sa compétence exclusive.

Ce privilège devrait se traduire par la possibilité d’élaborer, d’appliquer, d’interpréter les règles de droit parlementaire. Si notre assemblée décide de limiter le droit de résolution, le projet de loi ira à l’encontre de son autonomie. J’insiste encore ce matin pour que nous ne bridions pas ce pouvoir de l’Assemblée : je vous demande de voter cet amendement.

Mme Isabelle Vasseur. Ben voyons !

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax pour défendre l’amendement n° 896.

M. Jacques Valax. Je commence par une petite réflexion sur les propos de M. Leonetti. Il nous dit : vous socialistes, tout ce que l’on vous donne, vous le prenez ; tout le reste, vous le demandez. Eh bien, je voudrais lui répondre ceci : tout ce à quoi nous avons droit, nous l’exigeons ; tout ce que l’on veut nous enlever, nous le défendons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de La Verpillière. Forte formule !

M. Jacques Valax. Nos conceptions du rôle de l’opposition sont donc radicalement opposées.

Vous vouliez réformer la Constitution, nous aviez-vous dit, pour donner plus de pouvoirs au Parlement.

M. Patrick Roy. Mon œil !

M. Jacques Valax. Vous étiez si convaincants que certains vous ont suivis, vous ont crus, ont voté avec vous.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Et ils ont eu raison !

M. Jacques Valax. Vous avez séduit nos amis radicaux…

M. Jean-Christophe Lagarde et M. Jean Leonetti. Et Jack Lang !

M. Jacques Valax. Eh oui, encore un !

C’était, hélas ! la première étape d’une manœuvre de déstabilisation bien préparée. Votre réforme devait aussi, aviez-vous promis, servir à revaloriser le travail parlementaire. Parmi ceux qui vous avaient crus, certains commencent à renifler le piège. Ils sont méfiants, et j’ose espérer qu’ils ne vous croiront plus.

Quant à moi, j’étais venu ici plein d’illusions et de bonne volonté. J’avais écouté des gens du peuple, nos électeurs – mais aussi vos électeurs. Et que nous disaient-ils ? Arrêtez de faire des lois trop vite, arrêtez de faire des lois mal bâties, trop compliquées, trop nombreuses ; arrêtez cette logorrhée législative, prenez le temps de la réflexion, écoutez le bon sens et cessez de compliquer la vie de millions de personnes en changeant systématiquement le cadre législatif et réglementaire ! Ces électeurs étaient des commerçants, des professionnels du droit, des artisans, des travailleurs, qui en ont assez de la modification incessante du droit.

M. Frédéric Lefebvre. Vous ne travaillez pas, vous ne proposez rien !

M. Jacques Valax. Je suis arrivé en pensant pouvoir relayer ce message ici, au cœur du législatif.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est beau, mais cela n’a rien à voir avec l’amendement ! Vous bloquez l’Assemblée. Si vos électeurs voyaient ça…

M. Marcel Rogemont. …ils seraient contents !

M. Jean Leonetti. Faites donc des propositions !

M. Jacques Valax. Je pensais avoir le temps ici de discuter, d’échanger, de débattre. Mais ma déception est grande ; non seulement nous n’avons pu, mes collègues du groupe socialiste et moi, ralentir le flot incessant des textes que votre Gouvernement nous a assénés, mais vous voulez nous retirer nos dernières prérogatives.

J’apprends que je n’aurai plus le droit d’amender. Je sais désormais que notre capacité à nous opposer aux réformes de votre Gouvernement sera réduite à néant. Je sais que les droits de l’opposition n’existeront plus. Je sais que nous serons à jamais bâillonnés. Je sais que nous n’aurons plus ni le droit, ni le temps de prendre l’opinion à témoin ou de la mobiliser.

Je suis triste, très triste, et très inquiet pour l’avenir de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Heureusement que vous ne pensez pas ce que vous dites !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour défendre l’amendement n° 897.

M. Jean-Michel Clément. Le dispositif relatif aux résolutions pouvait laisser espérer une amélioration réelle de notre pouvoir législatif. D’aucuns déplorent que nous légiférions beaucoup trop ; nous sommes obligés de revenir chaque année, par une loi d’adaptation et de simplification du droit, sur les errements antérieurs des textes que nous votons.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Évidemment, s’il prend la commission par les sentiments !

M. Jean-Michel Clément. Nos concitoyens s’en plaignent ; nous-mêmes constatons que nombre de nos lois restent sans effet, car les textes d’application ne sont pas publiés.

La possibilité de réintroduire le droit de résolution était intéressante. Je reprends les propositions du comité Balladur. La proposition n° 48 énonçait : « Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. » Jusque là, tout va bien.

En revanche, lorsque nous regardons le détail, nous constatons que les cinq articles qui sont censés traiter de ces propositions de résolution, en réalité, vident le texte de son sens puisque l’appréciation de leur utilité, de leur pertinence du droit de résolution est laissée à la discrétion du Gouvernement, qui aura la maîtrise totale de cette procédure !

Non seulement nous laissons échapper une chance d’élaborer autrement la loi, mais, demain, nous perdrons à jamais le droit de nous exprimer sur des dispositifs à propos desquels nos concitoyens attendent que nous portions leur parole dans cet hémicycle.

Ce droit de résolution aurait pu être un droit utile au pouvoir législatif en ce qu’il aurait permis d’évacuer de nombreux sujets qui n’ont sans doute rien à faire dans des textes de loi, et d’éliminer ainsi les lois que d’aucuns ont qualifiées de lois « bavardes », dénuées de toute portée normative. À l’image de ce que font d’autres Parlements européens, nous avions la possibilité de nous exprimer sur des résolutions de portée générale mais essentielle pour justement mieux légiférer ensuite. Une fois le travail de résolution achevé, c’est, derrière, la loi elle-même qui en serait sortie confortée.

Avec le dispositif proposé dans ces cinq articles, nous manquons une occasion en or de rénover le travail parlementaire et même le pouvoir législatif. Je crois que c’est une erreur majeure qui est commise.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement 898.

M. Christophe Caresche. Avant de défendre l’amendement, je voudrais revenir sur le contexte parce que je ne voudrais pas que la majorité et le ministre caricaturent notre position.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne me serais pas permis.

M. Patrick Roy. Cela arrive souvent !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas mon genre !

M. Christophe Caresche. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous exprimez beaucoup, surtout d’ailleurs à l’extérieur, moins dans cet hémicycle, mais nous sommes bien obligés d’en tenir compte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au reste, je ne vous en fais pas reproche, au contraire : cela nourrit le débat.

M. Bruno Le Roux. C’est un hommage !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous n’avez besoin de personne pour vous caricaturer, vous vous en chargez très bien !

M. Christophe Caresche. Ne pas caricaturer notre position, ce serait reconnaître que, comme Laurent Fabius l’a dit hier, nous considérons que ce texte devrait faire l’objet d’un consensus, en tout cas d’un accord le plus large possible parce qu’il touche à nos règles de fonctionnement. Nous avons le souci de parvenir à cet accord.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas vrai !

M. Christophe Caresche. Laissez-moi m’expliquer.

Dans un entretien au Figaro, vous affirmez que le but des socialistes serait de bloquer la loi organique pour qu’il n’y ait pas de nouveau règlement. Ce n’est pas du tout ce que nous voulons.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Si !

M. Christophe Caresche. La vérité, c’est que la loi organique est venue interrompre une discussion.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas vrai.

M. Christophe Caresche. M. Urvoas a demandé tout à l’heure que l’on publie les comptes rendus des discussions de la commission Accoyer. Vous pourriez ainsi constater que, sur plusieurs points, des accords, des avancées étaient possibles.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas ce que disait M. Ayrault tout à l’heure.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. M. Ayrault a dit l’inverse !

M. Christophe Caresche. Pas du tout.

M. le président. Seul M. Caresche a la parole. Le débat s’annonce long, il exige que nous ayons une bonne organisation.

M. Christophe Caresche. Jean-Marc Ayrault n’a pas parlé de ce document, il a parlé de la lettre de M. Accoyer.

Nous ne sommes pas là pour bloquer la machine. Nous n’acceptons pas qu’à travers ce projet de loi organique, le Gouvernement, l’exécutif, à son plus haut niveau – et, sur ce point, M. Dosière a eu raison de rappeler les propos du secrétaire général de l’Élysée, même s’ils n’étaient pas destinés, semble-t-il, à être rendus publics –,…

M. René Dosière. Des propos scandaleux !

M. Christophe Caresche. …nous n’acceptons pas, disais-je, que l’exécutif vienne interrompre le travail qui avait commencé à l'Assemblée nationale – et qui progressait – pour mettre en œuvre les dispositions de la révision constitutionnelle.

Ce que nous vous demandons depuis le début, c’est de reprendre ce travail au sein de la commission Accoyer pour pouvoir aboutir dans les meilleurs délais et ensuite nous pencher sur le contenu de la loi organique qui, c’est vrai, est inscrite dans la Constitution.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ah !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Enfin !

M. le président. Monsieur Caresche, vous arrivez au terme de votre temps de parole.

M. Christophe Caresche. Je veux simplement faire remarquer qu’il y a une contradiction à nous expliquer que cette loi organique est neutre et qu’elle n’a aucune portée.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Eh oui !

M. Christophe Caresche. Si cette loi organique est neutre et qu’elle n’a aucune portée,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Elle est obligatoire et neutre.

M. Christophe Caresche. …cela veut dire que ce que nous faisons ici ne sert à rien.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce que vous faites, c’est sûr.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Poser la question de ce que vous faites, voilà une bonne question.

M. Christophe Caresche. Vous venez de le reconnaître, monsieur le secrétaire d’État, nous discutons un projet de loi organique qui ne sert à rien. Raison de plus pour essayer de faire un vrai travail, un travail de fond, et pour réunir la commission Accoyer.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour soutenir l’amendement n° 901.

M. Pascal Deguilhem. Je ne sais pas si ce que l’on fait ici ne sert à rien mais, en regardant mon agenda, je m’aperçois que, demain, je dois rencontrer les élèves de la classe désignée pour représenter la circonscription au Parlement des enfants…

Mme Isabelle Vasseur. On s’en fiche !

M. Pascal Deguilhem. …pour leur expliquer, comme chacun d’entre nous aura à le faire, comment fonctionnent nos institutions.

M. Jean Leonetti. C’est intelligent, les enfants !

M. Jean-Christophe Lagarde. Heureusement qu’ils ne sont là qu’une journée, eux !

M. le président. Seul M. Deguilhem a la parole, pour défendre son amendement, ce qu’il n’est pas en train de faire.

M. Pascal Deguilhem. Je défends bien l’amendement en question quand je parle du droit qui nous restera demain, aux termes de cette loi.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement vise à changer un titre !

M. Pascal Deguilhem. Vous le savez bien, la première question que les élèves vont me poser concernera la façon dont on fait une loi. Je leur répondrai qu’il existe deux procédures : d’une part, le dépôt de propositions de loi, droit ouvert à tout député, mais avec le succès que tout le monde connaît ; d’autre part, la discussion de projets de loi, comme celui qu’on examine aujourd’hui, qui sont présentés par le Gouvernement. Comment pouvez-vous influer sur ces textes, me demanderont les élèves ? En déposant des amendements, leur répondrai-je.

M. Marcel Rogemont. Voilà !

M. Pascal Deguilhem. Je préciserai que je peux, si je suis opposé au texte, faire des propositions visant à l’améliorer, à en modifier quelque peu la teneur, à en atténuer les défauts.

M. Patrick Roy. C’est fini !

M. Pascal Deguilhem. Ainsi expliquerai-je aux élèves de quelle façon je peux exercer mon droit de parlementaire.

M. Patrick Roy. Terminé !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Surtout, ne leur racontez pas ce que vous aurez fait ce matin : six séries de vingt-deux amendements, pour changer un titre. Une honte absolue !

M. Pascal Deguilhem. Monsieur le président, je souhaiterais pouvoir continuer.

M. le président. Allez-y, monsieur Deguilhem.

M. Alain Néri. C’est eux qui font de l’obstruction !

M. Pascal Deguilhem. Les élèves vont me demander ensuite quel texte nous examinons en ce moment. Je leur répondrai que nous discutons un projet de loi organique pour l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Vous conviendrez qu’il faudra leur donner un peu plus d’explications. Et je vais leur dire qu’il s’agit d’un texte qui vise à réduire notre droit d’expression, qui nous interdira de peser sur le contenu des projets de loi pour les infléchir, et que je ne suis pas d’accord.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous avez déposé mille fois le même amendement !

M. Pascal Deguilhem. Les élèves considéreront qu’on ne peut pas en rester là. Je leur dirai encore qu’on nous propose de prendre des résolutions, mais que, bien que le droit de discuter des résolutions soit inscrit dans la Constitution, le projet de loi tend également à le réduire en nous faisant passer sous les fourches caudines du Premier ministre.

Mme Pascale Crozon. Eh oui !

M. Pascal Deguilhem. Voilà le travail parlementaire tel qu’on nous le propose aujourd’hui pour demain. Tout cela est inacceptable.

Je comprends que les amendements que nous présentons puissent vous irriter, parce que nous jouons un peu sur les formes, sur le vocabulaire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ils sont surtout une marque d’irrespect envers le travail de l’Assemblée !

M. Jean Leonetti. Ce sont tous les mêmes amendements.

M. Pascal Deguilhem. Non, monsieur Leonetti, ce ne sont pas les mêmes.

M. le président. Concluez, monsieur Deguilhem.

M. Pascal Deguilhem. Il faudra bien que j’use de ce vocabulaire pour expliquer à ces élèves que le travail que nous faisons ici même, et que vous nous reprochez perpétuellement, est important pour eux. C’est pour eux en effet que nous faisons cela, ce n’est pas pour défendre le simple droit à l’expression, le droit de se pavaner devant un micro – ce n’est pas cela qui importe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. Vous vous êtes démasqué !

M. Pascal Deguilhem. Ce qui importe, chers collègues, pour vous comme pour nous, c’est d’offrir à ces jeunes enfants la possibilité, demain, de s’exprimer.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 902.

M. Jean Mallot. Je voudrais d’abord rendre hommage – mais j’aurai peut-être l’occasion de faire la même chose plus tard à votre égard, monsieur le président – à la manière, très calme, très digne, dont Mme Vautrin a présidé hier soir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Le président de ce matin préside très bien aussi.

M. Jean Mallot. Je viens de dire qu’il était possible que je porte la même appréciation à son égard à la prochaine séance mais j’attends qu’il ait exercé, c’est logique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Les députés ne sont pas là pour noter les présidents de séance. Cela devient ahurissant !

M. Jean Mallot. Je voudrais également reprendre les propos de notre cher collègue député UMP, M. Leonetti, qui a confirmé nos craintes quant aux intentions du Gouvernement et de sa majorité, s’agissant du devenir des rappels au règlement.

M. Jean Leonetti. Des quorums à minuit et demi !

M. Jean Mallot. Et, pire, de l’usage du quorum ! Nous avons en effet bien compris que l’étape suivante, après que le droit d’amendement, notamment pour l’opposition, aura été quasiment supprimé, allait consister à s’attaquer aux rappels au règlement et aux demandes de vérification du quorum – la fête sera complète. Merci de nous l’avoir dit clairement.

Il a employé par ailleurs une formule assez savoureuse s’agissant de l’opposition : « Tout ce que nous vous donnons, vous le prenez, et vous négociez le reste ». Mais c’est normal, c’est le rôle de l’opposition !

En revanche, vous, vous annoncez et vous promettez d’une main et vous retirez aussitôt de l’autre.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. Jean Leonetti. Vous n’avez jamais rien donné !

M. Jean Mallot. Par exemple, vous aviez affirmé que la révision constitutionnelle de juillet dernier devait permettre de revaloriser le rôle du Parlement et un certain nombre de dispositions donnaient en effet à penser que c’était cela qui allait se produire.

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous ne l’avez pas votée, la révision ! Il fallait la voter !

M. Jean Mallot. En réalité, vous ne faites rien pour revaloriser le rôle du Parlement et vous mettez en œuvre les dispositions qui renforcent l’exécutif.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Répéter cinquante fois quelque chose de faux ne le rend pas exact.

M. Jean Mallot. Par exemple, nous avions déposé des amendements pour mettre en œuvre une disposition de la révision constitutionnelle qui devait, elle, renforcer la démocratie dans notre pays : le référendum d’initiative partagée. Vous avez rejeté notre proposition.

En ce qui concerne maintenant les résolutions, les choses sont claires : vous avez refusé notre premier amendement sur le sujet, qui démontrait que vous ne vouliez pas mettre en œuvre de pouvoir de résolution.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, cela n’a rien à voir avec l’amendement.

M. Jean Mallot. Vous me répondrez, monsieur le rapporteur.

Nous proposons maintenant un amendement qui explique que vous voulez « encadrer drastiquement » ce pouvoir de résolution.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument pas. Vous voulez modifier le titre !

M. Jean Mallot. En effet, vous répétez votre procédé : vous mettez sur la table l’extension du pouvoir de résolution reconnue dans la Constitution, puis, aussitôt, dans le projet de loi organique, vous retirez la chose !

J’illustrerai le propos, d’abord en insistant sur le droit de veto que ce projet accorde au Premier ministre dans le cas notamment où il considérerait que le contenu de la résolution est de nature à mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement.

Ou bien il n’y a rien dans la résolution, auquel cas celle-ci ne sert à rien et le débat est totalement inutile ; ou bien il y a quelque chose dedans et cela concerne forcément un point de politique générale de la compétence du Gouvernement. La résolution traduit une volonté, porte un jugement, une appréciation sur la politique conduite par le Gouvernement, et la responsabilité politique de celui-ci est engagée. Dans ce cas, que fait le Premier ministre ? Il n’autorise pas la résolution, qui se transforme alors en motion de censure puisque, selon lui, la responsabilité du Gouvernement serait engagée ? Mais nous y reviendrons.

Le projet dispose également qu’après la discussion d’une résolution, aucune autre ne pourra être déposée pendant un an avec le même objet. Si, par exemple, une résolution a concerné la révision générale des politiques publiques, cela veut-il dire que, pendant un an, nous ne pourrions pas déposer une résolution sur l’éducation nationale, les mesures touchant à celle-ci au titre de la révision générale des politiques publiques ayant déjà fait l’objet d’une résolution ?

En réalité, le dispositif que vous défendez rend totalement impossible le dépôt de quelque résolution que ce soit à partir du moment où une ou deux résolutions auraient déjà été discutées.

M. Pascal Deguilhem. Très juste !

M. Jean Mallot. Plutôt que d’encadrer seulement, ce qui est le rôle d’un projet de loi organique, l’exercice du droit de résolution, vous l’encadrez « drastiquement », de façon très subtile, de façon à le vider de son contenu. C’est bel et bien, monsieur Leonetti, la mise en oeuvre de ce vous nous avez annoncé : vous ne négociez pas le reste.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Vous reprenez d’une main ce que vous avez montré de l’autre.

M. Bruno Le Roux. Très juste !

M. le président. Monsieur Mallot, je voudrais juste vous faire remarquer que vous êtes le troisième ou quatrième orateur à vous exprimer sans dire un mot des amendements.

M. Jean Mallot. Mais si !

Mme Valérie Rosso-Debord. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel…

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. Non, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Vous m’avez mis en cause.

M. Patrick Ollier. Les mises en cause sont discutées en fin de séance, monsieur Mallot.

M. le président. Monsieur Mallot, je ne vous mets absolument pas en cause, je ne fais que décrire la façon dont laquelle se déroule le débat.

M. Jean Mallot. Et moi, j’ai montré en quoi le projet de loi encadrait « drastiquement » le pouvoir de résolution.

M. le président. Madame Martine Martinel, vous avez la parole, pour soutenir l’amendement n° 904.

Vous pouvez vous asseoir, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. M. Copé passe son temps debout dans l’hémicycle, je peux bien me lever quelques minutes !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais vous n’êtes pas M. Copé !

Mme Martine Martinel. Je défendrai moi aussi l’amendement que vient de présenter M. Mallot avec brio.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pas avec brio : il était tout seul !

M. Benoist Apparu. C’est le même amendement !

Mme Martine Martinel. Ce n’est peut-être pas tout à fait le même, car deux argumentations ne sont jamais identiques.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous avez déposé vingt-deux fois le même amendement à la virgule près !

M. Marcel Rogemont. Mais l’argumentation n’est pas la même !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’empêche que c’est le même amendement. Inutile de mentir !

Mme Martine Martinel. Puisque j’en suis à mon premier mandat de députée,…

M. Benoist Apparu. Si ce n’est pas le même amendement, dites-nous ce qui le distingue du précédent !

M. le président. Madame Martinel, vous avez la parole, pour défendre l’amendement n° 904, qui est en tout point identique à ceux qui viennent d’être défendus.

Mme Martine Martinel. Ce n’est pas tout à fait le même, même s’il est à peine différent.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le même !

M. le président. Je l’ai dit, monsieur le rapporteur.

Mme Martine Martinel. Pas tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Expliquez-nous en quoi il diffère du précédent, cela nous intéresse !

M. le président. En attendant, Mme Martinel est seule à avoir la parole.

Mme Martine Martinel. Merci de votre mansuétude et de votre respect de la démocratie, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Laissez parler Mme Martinel !

Mme Martine Martinel. Je suis une nouvelle députée. Quand j’ai été élue, il me semblait que l’Assemblée nationale était le « sanctuaire de la démocratie », pour reprendre une expression de Noël Mamère. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il sait de quoi il parle !

Mme Martine Martinel. Étant professeur de lettres classiques, j’ai l’habitude de citer des auteurs morts. Mais je trouve qu’il est bon parfois de citer un auteur vivant.

M. Benoist Apparu. M. Mamère n’est pas un auteur !

M. le président. Seule Mme Martinel a la parole et elle peut en user comme elle l’entend.

Mme Martine Martinel. Normalement, ce sanctuaire de la démocratie n’est jamais troublé. C’est à peine s’il a été égayé hier, quand une de nos collègues a fait d’un amendement une lecture légèrement érotisée.

Ce sens de la démocratie, que je croyais si fort au Parlement, me semble être complètement bafoué au prétexte de la révision constitutionnelle : l’exécutif cherche à prendre plus de pouvoir et semble dénier aux parlementaires le droit de s’exprimer. Hier, M. Warsmann ou M. Ollier,…

M. Benoist Apparu. Eux, ce sont des auteurs !

Mme Martine Martinel. Tout à fait ! Et ils sont vivants !

M. Jean Leonetti. Alors que M. Mamère est mort depuis longtemps !

Mme Martine Martinel. Non, je lui souhaite une longue vie.

M. le président. Ne vous laissez pas distraire par les députés qui n’ont pas à prendre la parole, madame Martinel !

M. Jean-Christophe Lagarde. Elle cherche vainement en quoi son amendement est différent des précédents !

Mme Martine Martinel. C’est peut-être vous qui n’avez pas compris, monsieur Lagarde !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous, nous savons lire !

Mme Martine Martinel. La démocratie est le règne de la parole libre, ce qui suppose que les parlementaires aient le sens de l’écoute. Nous l’avons mesuré hier soir à de nombreux moments, mais peut-être certains parmi vous n’étaient-ils pas dans l’hémicycle. M. Warsmann et M. Ollier n’ont cessé de répéter, sur un ton comminatoire, que si les Français nous voyaient, ils nous jugeraient.

M. Benoist Apparu. C’est vrai !

Mme Martine Martinel. Mais que diraient vos électeurs en voyant vos réactions ce matin ? Vous aimez diffuser des clips sur Internet. Si l’on avait filmé les invectives – « absurde », « grotesque » – dont M. Copé a usé à notre égard,…

Mme Valérie Rosso-Debord. Nos débats sont diffusés en direct !

Mme Martine Martinel. …je me demande ce que penseraient les Français. Certes, cet amendement est un peu identique aux précédents, mais ce n’est pas tout à fait le même.

M. Benoist Apparu. Quelle est la nuance ?

Mme Martine Martinel. Les députés de notre groupe sont tous différents.

M. le président. Il faut conclure, madame.

Mme Martine Martinel. Je le ferai en remerciant M. Apparu pour son sens de la vocifération démocratique. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Sans doute applique-t-il déjà une nouvelle loi, qui aura cours désormais sur les bancs de l’Assemblée.

M. Bruno Le Roux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. À ce moment du débat, monsieur le président, je pense que nous devons nous mettre d’accord. Plus d’un millier d’amendements ont été jugés irrecevables. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous le rappellerons constamment au cours du débat. Quant aux amendements mentionnés sur la feuille de séance, ils seront défendus par tous leurs auteurs. Même si le texte en est identique, nous argumenterons chaque fois différemment.

M. Benoist Apparu. Parce que vous considérez que vous avez argumenté ?

M. Bruno Le Roux. Bien entendu !

M. Benoist Apparu. Vraiment ? Cela nous avait échappé !

M. Bruno Le Roux. Vous n’écoutez pas, parce que vous ne souhaitez plus que les débats se prolongent à l’Assemblée nationale. Au moment où le président du groupe UMP entre dans notre hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– « Assis ! Assis ! » sur les bancs du groupe SRC) en cherchant de nouveaux moyens d’abréger le débat parlementaire et de museler l’opposition, je vous rappelle, monsieur le président, que vous êtes le garant du respect de la feuille de séance.

M. Jean-Charles Taugourdeau. La présidence est mise en cause !

M. Bruno Le Roux. Chaque député de notre groupe a le droit de défendre avec sa propre argumentation un amendement dont le vote engage le fonctionnement démocratique de notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La présidence applique le règlement avec beaucoup de mansuétude, me semble-t-il.

M. Benoist Apparu. Peut-être un peu trop !

M. le président. Mais il ne faut pas en abuser, dans l’intérêt de chaque parlementaire. Nous représentons tous la démocratie et nous devons veiller à l’image que nous donnons à nos concitoyens.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour ma part, je voudrais poser une question à la présidence. Une réponse de sa part permettrait d’éviter une fois pour toutes certaines réactions de nos collègues de l’UMP et certaines affirmations de nos collègues du groupe SRC sur les prétendues différences qui existeraient entre leurs amendements.

De deux choses l’une : soit leurs amendements diffèrent les uns des autres – ne serait-ce qu’« un petit peu », comme l’a dit notre collègue –,…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il paraît qu’ils sont « un petit peu identiques » !

M. Jean-Christophe Lagarde. …par leur rédaction ou celle de l’exposé sommaire. Dans ce cas, nous sommes mal informés, car on ne nous a distribué qu’un seul amendement.

M. Marcel Rogemont. C’est l’argumentation qui est différente !

M. Jean-Christophe Lagarde. Soit les services de l’Assemblée ont reçu vingt-deux amendements identiques. Mais, même dans ce cas, M. Le Roux a raison : les députés socialistes ont le droit de défendre leur amendement vingt-deux fois. Puisque le règlement attribue à chaque orateur cinq minutes par amendement, ils disposent de cent dix minutes. Si tous les socialistes avaient signé l’amendement, ils pouvaient même intervenir cent quatre-vingt-six fois.

La présidence peut-elle nous renseigner ? Nous confirme-t-elle que nos collègues ont déposé vingt-deux amendements strictement identiques, tant par leur rédaction que par leur exposé sommaire ? Si tel est le cas, Mme Martinel a eu tort de dire que son amendement est « légèrement différent ». Et si ses motivations se distinguent de celles des autres signataires, elle aurait dû au moins se donner la peine, pour son premier mandat, de rédiger un exposé sommaire différent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Chers collègues socialistes, reconnaissez à tout le moins que vous abusez d’une procédure qui permet aux députés d’intervenir chacun cinq minutes pour soutenir des amendements identiques. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. — Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Oui, c’est un détournement de procédure honteux !

M. le président. La présidence sait comment organiser les débats. J’ai indiqué à plusieurs reprises que les amendements en discussion sont identiques. Néanmoins, puisqu’ils ont été signés par des députés différents, il est normal qu’elle donne la parole à ceux qui souhaitent les défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement n° 906.

Mme Catherine Quéré. Je vais essayer d’argumenter différemment de mes collègues.

M. Benoist Apparu. Nous vous écoutons !

Mme Catherine Quéré. Depuis des heures, vous nous reprochez de vouloir faire traîner les débats en longueur (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et, de fait, nous tentons – en vain – de nous faire entendre. Il entre dans notre travail de parlementaires d’alerter l’opinion sur les dangers d’un texte ! À mes yeux, c’est un devoir de démocratie. Le temps n’est pas l’ennemi de la démocratie, puisque le débat permet de modifier et presque toujours d’enrichir les textes.

Alors que le Gouvernement et la majorité répètent à l’envi depuis la réunion du Parlement en congrès à Versailles, le 21 juillet, que la révision de la Constitution est un véritable progrès pour le Parlement,…

M. Benoist Apparu. C’est vrai !

Mme Catherine Quéré. …je m’étonne de ne trouver dans le projet de loi organique aucune avancée pour le pouvoir législatif. Convenez avec moi que l’on pouvait s’attendre à ce que le nouvel article 34-1 contienne des mesures tendant à revaloriser le Parlement. Le comité Balladur souhaitait en effet « lever l’interdit qui frappe les résolutions », soucieux qu’il était à la fois d’« éviter l’adoption de lois bavardes et dénuées de portée normative et de permettre au Parlement d’exercer la fonction tribunitienne utile au fonctionnement de toute démocratie. » Il faut croire qu’il s’agissait là d’un vœu pieu, puisque, dans le rapport de M. Warsmann, l’élargissement du champ des résolutions est clairement rejeté.

Avec cette loi organique, nous vérifions une nouvelle fois que le Président Sarkozy entend concentrer tous les pouvoirs à l’Élysée. Il a beau prétendre qu’elle n’a pour but que de renforcer ceux du Parlement, il veut en fait mettre celui-ci sous contrôle.

M. Jean-François Copé. Comme Mme Quéré lit bien !

M. Marcel Rogemont. Cela prouve qu’elle travaille !

Mme Catherine Quéré. Il veut subordonner le pouvoir législatif à l’exécutif, preuve du mépris dans lequel il tient le Parlement. Nous ne comprenons pas, chers collègues de la majorité, comment vous pouvez l’accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Non, monsieur Mallot, il y en a eu suffisamment !

M. Jean-François Copé. Asseyez-vous tranquillement, monsieur Mallot !

M. Didier Mathus. C’est vous qui dites cela !

M. Jean Mallot. Finalement, c’est M. Copé qui préside la séance !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 907.

Mme Patricia Adam. Revenons à l’amendement et au droit d’amendement. Pour ma part, j’en suis à mon deuxième mandat. Mais je me souviens que, lorsque j’ai été élue pour la première fois, je suis arrivée à l’Assemblée nationale pleine d’idées républicaines sur le fonctionnement de la démocratie, notamment dans ce haut lieu qu’est l’Assemblée nationale.

M. Benoist Apparu. Et vous avez été très déçue par l’opposition !

Mme Patricia Adam. Non, j’ai été très déçue par la majorité.

M. Claude Gatignol. Nous sommes bien loin de l’amendement !

Mme Patricia Adam. Je tiens particulièrement au droit d’amendement. Mon expérience m’a appris – malheureusement – que, dans cet hémicycle, tous les parlementaires ne remplissent pas leur mission essentielle de représentants du peuple. Or nous sommes dans un lieu hautement symbolique.

M. Benoist Apparu. Rien à voir avec l’amendement !

Mme Patricia Adam. Regardons autour de nous les tableaux.

M. Lionel Tardy. Et les statues !

Mme Patricia Adam. Lisons les inscriptions qui rappellent hautement les principes de la République.

M. Benoist Apparu. Et écoutons ce discours hautement répétitif !

Mme Patricia Adam. Dans ce lieu symbolique, nous devons nous tenir à l’écart des effets médiatiques et de la précipitation auxquels le Gouvernement nous soumet. Observez en effet avec quelle hâte nous examinons les textes ! Le rythme de travail s’est encore accéléré depuis les dernières élections.

M. Marcel Rogemont. Oui !

M. Benoist Apparu. Quand on défend le droit d’amendement, la moindre des choses serait de soutenir les siens !

Mme Patricia Adam. Nous travaillons sans prendre le recul nécessaire, et les lois que nous votons ne sont pour beaucoup suivies d’aucun décret d’application.

Mme Claude Greff. C’est tout et son contraire !

Mme Patricia Adam. Je pourrais ainsi en citer un très grand nombre qui ne sont même pas applicables. Tous les professionnels du droit nous demandent d’arrêter de légiférer parce qu’ils ne peuvent plus suivre et que certains textes ne sont même pas compatibles entre eux !

C’est pour cela que j’insiste sur le droit d’amendement, car il permet une discussion intelligente, où chacun écoute les autres, pour faire évoluer les textes dans le sens de l’intérêt général. Que de fois on nous a proposé des projets de loi sur des sujets qui avaient déjà fait l’objet de missions et de commissions d’enquête dans lesquelles – on ne le sait pas assez – le consensus s’était dégagé en faveur d’une évolution de la loi, dans l’intérêt général justement. Or il est très rare que les ministres reprennent ces suggestions. Et lorsqu’elles font l’objet de propositions parlementaires, très souvent, la majorité ne les vote pas.

M. Marcel Rogemont. Au revoir, Monsieur Copé !

Mme Patricia Adam. En effet, elle est malheureusement au service d’un seul homme, le Président de la République.

Pour notre part, nous défendons l’indépendance et le droit de travailler du Parlement. Les Français voient bien que la précipitation avec laquelle les textes sont examinés nuit au travail parlementaire et, tout simplement, à la fonction parlementaire.

M. Marcel Rogemont. Bien sûr !

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au Règlement…

M. le président. J’ai été très heureux de vous laisser la parole, madame Adam. Mais je vous ferai observer que vous n’avez pas dit un mot de l’amendement que vous défendiez.

M. Jean-Luc Warsmann. rapporteur. Pas un mot !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Ce rappel au règlement sera bref et je vous remercie de me donner la parole, d’autant que M. Copé, hier, nous a dit que c’était l’une des dernières fois que nous pourrions user de ce droit.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean Mallot. Nous sommes d’ailleurs perplexes devant la fébrilité dont est saisi le président du groupe UMP depuis quelques jours. Peut-être est-ce en raison de la perspective du retour de M. Bertrand dans l’hémicycle ? On comprend que cela puisse énerver M. Copé.

M. Benoist Apparu. Monsieur le président, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean Mallot. S’agissant du droit d’amendement, je voudrais compléter l’échange que nous avons eu sur les amendements analogues ou identiques.

Mais d’abord, monsieur le président, j’ai été un peu blessé par votre propos de tout à l’heure, après mon intervention.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean Mallot. J’avais en effet bien souligné que nous étions face à un encadrement drastique du droit d’amendement, et j’avais illustré l’amendement que je défendais. M. Lagarde, pour sa part, a eu des propos extrêmement désobligeants à propos de notre collègue Martinel. Il aurait été élégant de sa part de les retirer, mais il ne l’a pas fait.

Quand deux amendements sont analogues ou identiques, ils sont défendus séparément car le droit d’amendement est individuel.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean Mallot. Bien qu’ayant une expérience parlementaire très courte puisque j’ai été élu seulement en 2007, j’ai participé à deux débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et il a pu arriver, que, sur des points techniques, j’en conviens…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur le président, cela n’a rien d’un rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Mallot, je vous coupe la parole car cela n’a rien à voir avec un rappel au règlement.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Rien !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour défendre l’amendement n° 908.

M. Alain Néri. Nous sommes engagés dans un débat de fond sur la démocratie et l’avenir de la République, qui est notre bien commun. Je dirai d’abord à nos collègues de la majorité qu’il faut être modestes et garder le sens de la mesure : après tout, le travail que nous faisons leur sera peut-être utile dans un avenir plus proche qu’ils ne le pensent. En effet, nous défendons les droits de l’opposition…

M. Benoist Apparu. Quel rapport avec l’amendement ?

M. Alain Néri. …mais aussi de tous les parlementaires, y compris de la majorité.

Messieurs les censeurs, rappelez-vous donc quelques exemples d’un passé déjà lointain : je me souviens, par exemple, de M. Toubon défendant avec talent ses amendements sur les lois de décentralisation. Il a fait travailler cette assemblée pendant des nuits entières ! – c’était déjà le « travailler plus », naturellement sans gagner plus.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Rappelez aussi que vous aviez réduit l’indemnité de M. Toubon !

M. Alain Néri. Rappelez-vous aussi avec quel talent M. Goulard et le président Accoyer, alors dans l’opposition, défendaient des amendements extrêmement répétitifs.

M. Benoist Apparu. Quel rapport avec l’amendement ?

M. Alain Néri. Ne faites pas d’obstruction, vous nous faites perdre du temps.

M. le président. Seul M. Néri a la parole.

M. Patrick Ollier. Mais cela n’a aucun rapport avec l’amendement !

M. Alain Néri. M. Accoyer en particulier défendait – avec talent, je le redis – des amendements répétitifs, qu’il déclinait en fonction du diamètre des granulats. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Aucun d’entre vous alors ne parlait d’obstruction. M. Proriol le sait bien, lui qui applaudissait à ces développement successifs.

M. Jean Proriol. Ne parlez pas en mon nom !

M. Alain Néri. Aujourd’hui, on veut encadrer le droit de parole dans cette assemblée. J’ai un gros défaut : j’étais enseignant.

M. Patrick Roy. C’est une grande qualité !

M. Alain Néri. C’est avec beaucoup de plaisir que j’accepte le compliment.

Il me semble que, dans « parlement », il y a « parler ». Le parlement est, par définition, le lieu où l’on parle. La tapisserie suspendue derrière M. le président le montre d’ailleurs symboliquement. L’hémicycle est le lieu où bat le cœur de la démocratie dont nous sommes les représentants. Aussi ne pouvons-nous accepter votre remise en cause drastique du droit de résolution – une remise en cause totale ! Vous voulez mettre un terme au débat démocratique. Il est donc de notre devoir, et même de notre honneur, de défendre le droit de parole dans cette Assemblée, dont c’est la raison d’être. Par nos amendements, nous défendons le droit de l’opposition que nous sommes aujourd’hui et que vous serez demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur le vote des amendements identiques n° 889 à 910, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le Parlement est sans doute le lieu où l’on parle, mais aussi un lieu où l’on travaille. Nous avons abordé hier à 19 heures la discussion des articles de ce projet de loi, dont les cinq premiers portent sur le droit de résolution. Nous avons travaillé jusqu’à 20 heures, puis de 21 heures 30 à plus d’une heure du matin. Ce matin, nous avons repris à 9 heures 30 et il est maintenant 10 heures 40. Combien d’articles avons-nous examinés ? Pas les cinq, ni même un, ni même la moitié d’un : depuis hier à 19 heures, nous n’avons pas encore commencé à discuter de la première phrase du premier article !

Pourquoi cela ? Le titre du premier chapitre de ce projet est « Dispositions relatives aux résolutions parlementaires ». On peut difficilement faire plus neutre. Mais depuis hier à 19 heures, l’opposition nous oppose des séries de 22 amendements identiques dont le seul objet est de changer ce titre. Si un seul de ces amendements était adopté, cela changerait-il quoi que ce soit au fond de la loi ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Alors, votez-les !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je suggère donc à ceux qui, demain, vont s’adresser aux classes du parlement des enfants, de leur dire la vérité, de leur dire : de mercredi soir à 19 heures au lendemain matin, j’ai déposé des amendements pour changer un titre, des amendements qui n’avaient aucune portée, aucun intérêt, mais qui ont eu pour effet d’empêcher mes collègues de travailler sur le projet de loi qui nous était soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Et si des citoyens regardent ou écoutent nos débats, ils voient ce qu’est la dénaturation du travail parlementaire. On nous soumet un projet de loi, et en utilisant tous les artifices – rappels au règlement sur ceci et cela, artifice de procédure d’un président de groupe qui arrive à minuit et fait suspendre les débats pendant une heure, dépôt à la chaîne d’amendements identiques pour parler de tout, insultes au Président de la République –, on empêche l’Assemblée de travailler. Pensez-vous vraiment que l’on doive continuer ainsi ? Pour ma part, je crois qu’il est urgent de changer les choses. Je vous invite donc à repousser tous ces amendements. Nous avons poliment écouté des interventions qui n’avaient pour la plupart rien à voir avec leur contenu. Nous allons les rejeter, et nous allons continuer. Mais je le dis, la plupart des interventions qui se sont succédé ont manifesté un irrespect total pour le travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je ne reprends pas ce qu’a excellemment dit le président de la commission des lois. J’ai pour ma part affirmé très clairement devant la commission, et dans mon intervention au début de ce débat, que nous étions ouverts et disposés à dialoguer et à faire avancer le texte. Mais depuis un certain nombre d’heures, on nous parle d’autre chose, de la poste, de l’école, des tribunaux…

M. Arnaud Montebourg. Ce sont des sujets qui intéressent les Français.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Justement, je vous propose d’avoir un vrai débat sur ce projet de loi organique pour pouvoir passer à l’examen des textes sur le logement, l’hôpital, etc., qui intéressent beaucoup plus les Français que votre obstruction ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Depuis hier, j’attends un vrai débat, pour faire de la part du Gouvernement des propositions et des avancées. Je n’en vois aucune dans vos propos.

M. Philippe Vuilque. Retirez l’article 13 !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’ai déjà dit dix fois que le projet de loi organique était un véhicule neutre pour permettre la réforme du règlement. Vous nous répondez qu’il fallait laisser travailler la commission Accoyer. Ce sont justement le président de l’Assemblée et celui du Sénat qui nous ont demandé de faire passer le plus vite possible ce projet de loi organique pour aboutir à la révision du règlement, en accord avec tous les groupes.

Je le répète donc, encore une fois, ce texte est neutre. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Christophe Caresche. Pas du tout ! Il n’est pas neutre !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Vous transformez ce débat en une discussion sans aucun rapport avec le fond du projet de loi organique : il s’agit d’obstruction manifeste. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Seuls MM. Jean-Jacques Urvoas et Jean-Michel Clément se sont réellement exprimés sur le fond des vingt-deux amendements identiques que nous examinons – je devrais plutôt parler de l’amendement que l’opposition a déposé vingt-deux fois. Je ne répondrai donc pas aux autres intervenants qui ont parlé de tout, sauf des résolutions parlementaires.

L’article 49 de la Constitution fixe précisément les conditions qui permettent de renverser le Gouvernement – initiative d’au moins un dixième des députés, délai de quarante-huit heures entre le dépôt d’une motion de censure et son vote… Or il ne faut pas que les règles ainsi énoncées puissent être contournées par le vote d’une simple résolution qui demanderait, par exemple, au Premier ministre de quitter ses fonctions. L’examen d’une telle résolution marquerait un retour à la Quatrième République et à des pratiques condamnées sur tous les bancs de l’hémicycle.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous, en tout cas, nous les condamnons !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Certes, en cas d’adoption d’une telle résolution, le Gouvernement ne serait pas tenu de démissionner, mais, politiquement, la situation deviendrait incongrue et intenable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Bruno Le Roux. Cela démontrerait surtout l’existence d’un problème entre le Gouvernement et sa majorité !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais vous devez, comme nous, respecter les règles constitutionnelles !

Le second alinéa de l’article 34-1 de la Constitution reprend l’article 82 du règlement de l’Assemblée nationale, tel qu’il était rédigé avant que le Conseil constitutionnel n’estime, en 1959, que le principe des résolutions était inconstitutionnel. La dernière révision de la Constitution a rétabli ce principe en mettant en place un mécanisme qui ne devrait pas jouer souvent, si l’esprit de nos institutions – dont la principale vertu est la stabilité – est respecté.

Depuis le début de nos débats, l’opposition ne parle que des articles 12 et 13 du projet de loi organique. Attendez donc que nous y arrivions au lieu de répéter inlassablement ce que vous aurez l’occasion de dire cent fois lors de leur examen ! Pour l’instant, nous pouvons avancer sur le problème des résolutions et sur les articles qui précèdent ceux qui, selon vous, constituent le cœur de ce texte.

Vous le savez très bien : en levant les obstacles constitutionnels au droit de résolution, le Gouvernement a donné un pouvoir considérable et nouveau au Parlement. Comment pouvez-vous prétendre vouloir discuter, dialoguer et faire progresser le débat, alors que vous refusez d’avancer sur cette question et préférez parler de tout autre chose ? S’il ne s’agit pas d’un blocage sans rapport avec le fond du texte, je ne sais pas ce que c’est ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Néri. Si vous n’avez pas compris, nous pouvons reprendre toutes nos explications ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le rapporteur, dans cet hémicycle, même si nous nous y prenons parfois maladroitement, nous partageons tous la même ambition : nous voulons voter des lois compréhensibles, utiles, dans l’intérêt du pays et des Français.

Ce n’est que le 10 décembre dernier, jour où le conseil des ministres a adopté le texte, que l’Assemblée nationale a découvert ce projet de loi organique de quatorze articles. Or elle suspendait ses travaux le 22 décembre et le sujet n’a donc pu être abordé avant cette date.

Mme Claude Greff. Il ne fallait pas partir en vacances !

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce texte a ensuite été examiné mercredi 7 janvier par la commission des lois, après l’audition du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui s’est déroulée le mardi, dans de bonnes conditions. Le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui a donc été inscrit à l’ordre du jour dans des délais extrêmement brefs, alors qu’il ne s’agit ni d’un texte neutre ni d’un texte anodin.

La tapisserie qui décore l’hémicycle est sortie de la manufacture des Gobelins en 1688, nous en parlions tout à l’heure. Je ne sais pas ce qu’elle représente, mais, en tout cas, ici, nous ne sommes pas à Rome : Catilina n’est pas aux portes du forum, le sénat n’est pas menacé, nous avons le temps de délibérer !

Mme Claude Greff. Mais la France n’a pas le temps d’écouter vos bêtises !

M. Jean-Jacques Urvoas. Si nous avions respecté le calendrier du Gouvernement, nous aurions déjà adopté ce texte, sans même en avoir évoqué tous les dangers.

M. Benoist Apparu. Mais parlez-nous plutôt de ces dangers !

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le secrétaire d’État, à ce stade de notre discussion, l’opposition l’avoue : elle n’a pas confiance. Ce projet de loi organique contient des mots piégés. Vous nous cachez certaines réalités.

M. Benoist Apparu. Arrêtez donc la paranoïa !

M. Jean-Jacques Urvoas. La stratégie du groupe SRC vise donc à poser toutes les questions pour dissiper les malentendus et obtenir un maximum de précisions afin d’améliorer ce texte et de le voter demain, dans l’intérêt de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 889 à 910.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Les amendements identiques nos 889 à 910 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques, mais je donne auparavant la parole à M. le rapporteur, qui me la demande.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. M. Urvoas vient de faire une intervention de très grande qualité.

Je donne acte au groupe socialiste de son souhait d’améliorer le projet de loi organique et de rentrer dans les détails du texte. Chacun doit maintenant prendre ses responsabilités. Je demande donc au groupe SRC de retirer les séries d’amendements qui portent sur le titre du chapitre Ier sans rien ajouter au texte, pour que nous puissions discuter de manière constructive et, le cas échéant, voter des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous assumons, pour notre part, le désaccord majeur qui nous oppose à la majorité.

Il porte, d’abord, sur la méthode de travail. En effet, la concertation en cours sous la direction du président Accoyer a été interrompue par l’irruption de ce projet de loi organique qui piétine les engagements pris, cet été, dans l’hémicycle, par M. Karoutchi et par la garde des sceaux, Mme Dati, lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle.

Notre désaccord porte, ensuite, sur le temps du travail parlementaire, dont l’exécutif veut s’assurer la maîtrise. Le Gouvernement a ses propres préoccupations et son propre agenda, généralement médiatique. Les objectifs de l’opposition sont différents : elle veut éveiller la conscience des citoyens de façon pédagogique et donner de l’écho à nos débats hors de cet hémicycle, afin que l’intérêt général s’impose avec le concours de la société tout entière.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Arnaud Montebourg. Les batailles menées dans l’hémicycle, et les très nombreux amendements que vous jugez ridicules au moment de leur dépôt, ont ainsi souvent une très forte productivité politique. Ces actions vous ont permis, par exemple sur la question du travail du dimanche, de prendre du recul et de comprendre combien ces mesures étaient impopulaires. J’ai moi-même appartenu à une majorité qui a connu cette expérience. Grâce à cette interaction entre majorité et opposition, il est possible, comme sur la question des OGM, de dégager des solutions éloignées des projets de loi gouvernementaux, fabriqués dans le secret des cabinets ministériels. Nous avons donc besoin de temps.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’issue de la discussion générale, vous avez répondu aux députés de la majorité qui s’inquiétaient de l’avenir du droit d’amendement. Mais quelles propositions avez-vous faites à l’opposition ? L’article 13 constitue un point de désaccord fondamental entre nous. Nous avons abordé ce sujet dans la discussion générale et dans les motions de procédure. Nous continuerons à en parler aussi longtemps que ce sera nécessaire, car, pour l’instant, vous avez décidé de nous passer sur le corps ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais ce corps résiste encore !

Monsieur le secrétaire d’État, quelles propositions êtes-vous en mesure de faire pour prendre un tant soit peu en compte les préoccupations de l’opposition concernant le temps du travail parlementaire ?

Vous voulez un changement, mais c’est pour mettre en place un système oppressif au regard de droits fondamentaux de notre République – dont il se pourrait d’ailleurs que nos collègues de l’UMP aient un jour l’usage !

M. Benoist Apparu. C’est fini !

M. Arnaud Montebourg. Quelles propositions constructives faites-vous à l’opposition pour qu’elle se reconnaisse dans un projet de loi organique totalement scélérat, en raison du contenu de l’article 13 ? Pour l’instant, nous ne voyons pas le début d’une proposition. Quand vous nous en présenterez, et que nous serons d’accord, nous pourrons peut-être commencer à travailler.

M. le président. Monsieur Montebourg, votre intervention n’avait rien à voir avec un rappel au règlement.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

La sérénité de nos débats exige que nous ne simplifiions pas les choses à l’excès. M. le secrétaire d’État prétend qu’il faut accélérer la discussion car les Français sont plus préoccupés par le logement ou l’hôpital que par le projet qui nous occupe aujourd’hui. Pour ce qui concerne les Français, je pense qu’il a raison, et je suggère même qu’il ajoute l’emploi et le pouvoir d’achat à sa liste. Toutefois, je remarque que le Gouvernement avait tout loisir d’inscrire les projets de loi relatifs au logement et à l’hôpital avant celui-ci !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Jean-Claude Sandrier. Que ne l’a-t-il fait !

Mais précisément, sur les sujets essentiels du logement ou du pouvoir d’achat, ce débat nous permet de faire savoir aux Français que les députés de l’opposition seront privés du droit de participer aux débats à venir au-delà d’une certaine limite de temps fixée par la majorité.

M. Benoist Apparu. On l’assume !

M. Jean-Claude Sandrier. À ce stade, je ne suis pas certain que nos concitoyens aient bien été informés de cette réalité : nous prenons donc le temps de leur expliquer votre réforme.

Et je ne parle pas de l’extension de la procédure d’examen simplifiée, qui est une disposition pire encore, même si notre rapporteur a fait des efforts pour améliorer le texte sur ce point.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est plus un sujet !

M. Jean-Claude Sandrier. Quoi qu’il en soit, si vous avez inscrit l’examen du projet de loi organique avant d’autres textes plus essentiels, c’est parce que vous souhaitez pouvoir faire passer ceux-ci plus facilement, en écourtant les débats. Voilà votre méthode. En la dénonçant, je ne fais pas de caricature : c’est la réalité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Après une heure et demie de discussion sur vingt-deux amendements identiques,…

M. Arnaud Montebourg. Nous assumons !

M. Patrick Ollier. Je le sais, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. C’est nécessaire : nous vous défendons et vous nous en remercierez, monsieur Ollier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Après une heure et demie de discussion, disais-je, sur un amendement déposé vingt-deux fois à l’identique, je constate, en toute sérénité, que l’opposition transforme notre hémicycle en laboratoire d’expérimentation des techniques d’obstruction.

M. Christophe Caresche. Vous êtes un expert en la matière !

M. Patrick Ollier. Hier soir, en effet, vous avez usé des mêmes artifices : rappels au règlement intempestifs, demandes de suspension de séance,…

M. Jean Mallot. Nous suivons vos leçons !

M. Patrick Ollier. …demande de vérification du quorum de M. Ayrault – qui, comme c’est le cas depuis des mois, arrive dans l’hémicycle, comme par hasard, autour de minuit. Or, par cette utilisation excessive des dispositions actuelles de notre règlement,…

M. Arnaud Montebourg. Vous nous remercierez !

M. Patrick Ollier. …et je le dis pour que cela figure au compte rendu des débats,…

M. Jean Mallot. Où l’on peut également lire vos exploits sous les législatures précédentes !

M. Patrick Ollier. …l’opposition fait la démonstration de l’inacceptable. C’est pourquoi je l’en remercie. Les observateurs présents – presse, élèves, responsables de différents organismes – constatent ainsi de visu ce qu’ils ne veulent plus supporter.

M. Jean Mallot. C’est vous qui êtes en train d’allonger les débats !

M. Patrick Ollier. Vous venez de le dire avec beaucoup de talent, monsieur Montebourg (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP), c’est l’article 13 qui vous intéresse. Or vous venez de défendre, pendant une heure et demie, vingt-deux amendements identiques portant articles additionnels avant l’article 1er et visant à modifier le titre d’un chapitre. Bravo !

M. Arnaud Montebourg. Nous en défendrons deux mille, s’il le faut !

M. Patrick Ollier. Continuez ainsi ! Plus vous agissez de la sorte, plus vous donnez de force aux arguments de la majorité, qui ne veut plus que l’Assemblée nationale soit traitée comme vous la traitez aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. La gauche n’est pas constructive !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, le président Warsmann vient de nous faire une proposition intéressante. Nous voulons en effet améliorer le texte. Nous avons déposé quatre séries d’amendements visant à modifier l’intitulé du projet de loi, soit quatre-vingt-huit amendements. Le président Warsmann nous demande de les retirer pour que nous puissions en venir à l’article 1er, qui porte sur les propositions de résolution et sur lequel nous émettons des réserves, car il nous semble que le Gouvernement s’octroie un droit de veto sur ces actes parlementaires.

Je vous demande donc, monsieur le président, sur le fondement de l’article 58, alinéa 3, une suspension de séance pour réunir mon groupe, afin que nous décidions si nous retirons ou non ces amendements. Pour ma part – et je le dis pour que cela figure au procès-verbal de la séance –, je vais demander à mes collègues de retirer leurs amendements, afin que nous puissions passer à l’examen de l’article 1er.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Mon rappel au règlement s’inscrit dans la continuité de celui que j’ai fait avant la suspension de séance, qui s’est trouvé, comme vous l’avez reconnu, interrompu de manière quelque peu intempestive. J’en reviens par conséquent à la question des amendements prétendument répétitifs, identiques ou analogues. Certes, nous examinons depuis quelques heures des amendements qui se ressemblent fortement. Toutefois, ces amendements ont été déposés par des députés différents ; il est donc tout à fait normal qu’ils soient discutés séparément, le droit d’amendement étant individuel.

Il n’est pas rare, dans le cadre de la pratique parlementaire, que, sur des sujets très techniques – je pense notamment au projet de loi de financement de la sécurité sociale ou à la loi de finances – le même amendement soit déposé à la fois par un député socialiste et par un député UMP. Or, on n’a jamais vu personne se lever pour protester contre le fait que les deux députés concernés défendent à tour de rôle un amendement identique. Nous sommes exactement dans ce cas de figure (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Rosso-Debord. La mauvaise foi a des limites !

M. Jean Mallot. Mais enfin, voudriez-vous que nous nous déclarions non inscrits le temps de défendre un amendement, pour réintégrer notre groupe aussitôt après ? Ce serait grotesque ! Nous sommes tous députés égaux en droits et en devoirs, responsables devant nos électeurs et devant la nation. À ce titre, nous disposons d’un droit d’amendement individuel et disposons de la faculté de défendre nos amendements séparément, comme s’ils étaient présentés par des députés appartenant à des groupes différents. J’insiste : il n’y a aucune raison juridique de procéder autrement. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure pour recadrer nos débats, monsieur le président, des amendements différents peuvent être défendus séparément par chacun des députés qui les ont déposés, avant d’être soumis à l’avis de la commission et du Gouvernement et, enfin, mis aux voix.

M. le président. Je note, monsieur Mallot, que votre intervention n’avait, une fois de plus, rien à voir avec un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Bien sûr que si, monsieur le président ! Mon rappel au règlement était fondé sur l’article 58 de notre règlement et avait trait au déroulement de la séance.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, nous allons retirer les quatre séries d’amendements que nous avions déposées, visant à changer l’intitulé du chapitre Ier. Ces amendements étaient motivés par la volonté de rendre ce titre plus compréhensible qu’il ne l’est actuellement et de mettre en lumière ce en quoi nous voyons l’intention du Gouvernement de s’arroger un droit de veto sur un acte de nature parlementaire. Cela étant, nous estimons que l’Assemblée a été éclairée et que nous pouvons désormais aborder l’examen du corps de l’article 1er. Nous remercions nos collègues d’avoir consenti à retirer leurs amendements, ce qu’ils ont fait la mort dans l’âme, car ils avaient préparé avec une extrême application, en vue de la défense de ces amendements, des argumentations d’une très haute tenue (Rires sur les bancs du groupe UMP) dont l’apparente diversité converge en fait vers un objectif unique, celui d’éclairer la représentation nationale. Si vous le souhaitez, monsieur le président, nous pouvons donc entamer l’examen de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous remercie pour votre intervention, monsieur Urvoas. Les amendements nos 911 à 932, 933 à 954, 955 à 976 et 977 à 998 sont donc retirés.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie de me donner la parole et j’espère que vous n’estimerez pas, à la fin de mon intervention, que celle-ci ne constitue pas un rappel au règlement – ce qui serait le fruit d’une interprétation subjective. En tout état de cause, prendre la parole maintenant me dispensera de le faire à nouveau ultérieurement. Vous y gagnez donc du point de vue de la gestion du temps, monsieur le président.

Le président Ollier, qui parlait tout à l’heure d’obstruction, confond manifestement cette notion avec celle de pédagogie politique, nécessaire pour éclairer l’opinion. Vous voulez abréger les débats en les menant au pas de charge, à la hussarde, comme aurait dit Napoléon – dont le Président actuel veut certainement s’inspirer, bien qu’il n’ait pas le même talent – et en ayant pour objectif de les clore prématurément.

Or, en tant que députés, nous sommes tous investis de la confiance de nos concitoyens et avons à ce titre le devoir de leur expliquer les coups tordus que vous manigancez. Le Président de la République a affirmé cette semaine qu’il entendait poursuivre les réformes (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui signifie qu’il a l’intention de profiter de la crise pour continuer à détruire le socle social de notre pays. Ainsi, sans avoir lu Jaurès, Nicolas Sarkozy met en œuvre l’un des préceptes de ce grand intellectuel, selon lequel « la réforme est toujours une étape vers le but final. »

Monsieur le président, nos collègues socialistes viennent de faire un geste de bonne volonté. Toutefois, si nous ne parvenons pas à prendre le temps nécessaire pour examiner comme il convient ce texte – ainsi que d’autres textes importants déjà débattus ou restant à débattre, tels ceux relatifs au repos dominical, au logement, à l’hôpital – et pour éclairer l’opinion en lui faisant prendre conscience des enjeux, il n’y a pas débat : c’est la loi du bâillon qui s’impose ! Le fait que l’on appartienne au même groupe ne signifie pas forcément que l’on a les mêmes choses à dire. Pensez-vous qu’il y ait toujours unité de pensée entre François de Rugy et Noël Mamère ? Bien sûr que non ! Il en est de même entre Maxime Gremetz et Jean-Pierre Brard…

M. Charles de La Verpillière. Vous avez Staline en commun !

M. Jean-Pierre Brard. …ou entre Noël Mamère et Maxime Gremetz.

M. Benoist Apparu. Ce sont pourtant, l’un et l’autre, des ayatollahs !

M. Jean-Pierre Brard. Chacun doit pouvoir disposer du temps nécessaire pour défendre ses arguments. Souvenez-vous du débat sur la révision de la Constitution : même les journalistes affirmaient qu’on allait élargir les droits du Parlement, et ce n’est qu’au bout de trois semaines de débats acharnés que les médias ont finalement compris, monsieur le ministre, qu’en dépit de votre air patelin, vous étiez bel et bien en train d’essayer de nous passer la muselière…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas dans mes habitudes, d’autant que, personnellement, je préfère les chats !

M. Jean-Pierre Brard. …afin que l’on ne puisse plus rien dire.

Avec le Président de la République, ce n’est même plus le parlementarisme rationalisé ou encadré, c’est le parlementarisme muselé et bâillonné. Vous rêvez de nous fermer la bouche comme Mozart l’avait fait à Papageno, mais si ce dernier avait fini par être délivré, pour notre part nous n’avons pas du tout l’intention de nous laisser faire ! Nous voulons garder notre liberté de parole afin de continuer à animer le débat politique et de rassembler les Français pour défendre les droits acquis par notre peuple lors de batailles précédentes.

M. le président. Monsieur Brard, je me demande parfois si vous ne confondez pas l’Assemblée nationale avec un théâtre !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Je remercie nos collègues socialistes de leur décision.

En ce qui concerne la question des résolutions, nous avons eu l’occasion de défendre, lors du débat relatif au projet de loi de révision constitutionnelle, des positions très différentes. L’exercice que nous devons résoudre aujourd’hui – avec le plus grand soin possible, car le Conseil constitutionnel se prononcera sur le résultat de nos travaux – consiste à procéder à la mise en application de l’article 34-1 de la Constitution. Cet article comporte deux alinéas. Le premier alinéa, qui nous réunit ce matin, dispose que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. » Le second est ainsi rédigé : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. » Mon avis personnel sur la question n’est pas celui qui a été retenu, et il en est de même pour nos collègues socialistes.

Cela étant, il me semble que nous pourrions, dans le cadre de ce débat, faire quelques pas les uns vers les autres. Le travail que nous avons fait en commission des lois visait à simplifier le processus. Ainsi, considérant que les résolutions ne pouvaient pas être amendées – ce qui se justifie par la volonté de permettre à l’opposition de présenter en séance des résolutions strictement conformes à ce qu’elle souhaite –, nous avons estimé qu’il n’était pas nécessaire que les résolutions passent en commission, et que celles-ci devaient pouvoir arriver directement en séance, dans le texte rédigé par leurs auteurs, ce qui permet en outre de gagner du temps.

Par ailleurs, il nous a paru utile de créer un pouvoir de rectification, qui ne figurait pas dans la Constitution, afin de répondre à un cas de figure qui risque de se produire assez fréquemment : il s’agit d’autoriser le groupe ayant présenté une résolution de procéder aux rectifications de nature à permettre de parvenir à un accord sur certains points et, ce faisant, de réunir une majorité sur le texte rectifié.

Il nous a donc semblé logique, reprenant les classiques du droit parlementaire, que soit le premier signataire, soit les auteurs de la proposition de résolution, puissent rectifier le paragraphe en question.

Par ailleurs, un garde-fou a été mis en place en matière de répétition des résolutions afin de ne pas discréditer le Parlement. En effet, on ne grandirait pas le droit de résolution en débattant, chaque semaine, d’une résolution sur le même sujet. Aussi est-il proposé qu’une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour avant l’expiration d’un délai de douze mois suivant la discussion en séance de la proposition antérieure. Si, pour ma part, je ne suis pas farouchement accroché ni à cette durée, ni aux mots « ayant le même objet », je pense, en revanche, qu’il faut définir un système.

Voilà l’esprit dans lequel les débats en commission ont été abordés sur ce sujet. Nous avons essayé de rendre la procédure plus pragmatique. En tout état de cause, je suis ouvert à toute proposition qui permettra d’aboutir au plus large consensus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je remercie M. Urvoas et le groupe SRC pour la décision qu’ils ont prise.

Bien évidemment, nous suivrons un certain nombre des recommandations de la commission qui a rédigé en partie les articles dans le sens d’une plus grande protection pour le Parlement et l’ensemble des groupes en matière de droit de résolution.

Monsieur Urvoas, pour vous montrer que le Gouvernement est prêt à avancer sur cette question, je vous indique qu’il est favorable à un amendement du groupe socialiste relatif à la durée. Nous avions prévu qu’une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure ne pouvait être inscrite à l’ordre du jour avant l’expiration d’un délai de douze mois. En tout état de cause, on peut imaginer un autre délai, le Gouvernement étant prêt à faire un geste en la matière.

Si le Gouvernement veut bien marquer qu’il a souhaité lever le verrou de la révision constitutionnelle de 1959, ce n’est pas pour empêcher l’exercice de ce droit, mais, au contraire, pour faire en sorte qu’il puisse s’exercer librement.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification rédactionnelle. Le mot « parlementaire » ne paraissant pas utile, nous proposons de le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

(L'amendement n° 1 est adopté.)

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. L’article 1er est important puisqu’il précise les conditions dans lesquelles sera mis en œuvre le droit de résolution.

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont conduit le Sénat à introduire le droit de résolution dans la révision constitutionnelle ni les débats qui ont eu lieu.

Ce qui pose problème dans le dispositif qui nous est présenté c’est la manière dont est examinée la recevabilité d’éventuelles résolutions. Du reste, cette recevabilité ne concerne pas uniquement le Gouvernement mais aussi le président de l’Assemblée nationale puisque celui-ci pourra déclarer l’irrecevabilité dans la mesure où il estimerait que les résolutions ne sont pas conformes à la Constitution. L’épisode que nous venons de vivre montre que ce dispositif ne va pas sans poser quelques questions.

Pour motiver le maintien d’un tel dispositif, le rapport de M. Warsmann fait référence à la coutume et à la tradition. Pour ma part, je considère que ces arguments sont un peu courts.

M. le président. Monsieur Caresche, il faut conclure !

M. Christophe Caresche. Nous souhaitons donc qu’un débat contradictoire s’instaure, afin de préciser les conditions dans lesquelles les propositions de résolution seront déclarées recevables ou non, tant par le Gouvernement que par le président de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Il va de soi que nous nous situons dans le respect de la Constitution, puisque c’est là notre champ de compétence.

Je sais, monsieur le président de la commission, que vous n’étiez pas favorable à la proposition sénatoriale, nous non plus d’ailleurs. Nous étions pour un droit de résolution qui puisse s’épanouir dans la VRépublique, parce qu’il est nécessaire qu’un débat s’instaure avec un Gouvernement qui dispose d’armes considérables et d’une liberté totale dans de nombreux domaines. La tradition du domaine réservé permettait, par l’usage de la résolution, les intrusions nécessaires du débat démocratique dans des compétences presque exclusivement réservées à l’exécutif depuis plusieurs décennies. Le cadre qui nous est fixé nous permet de nombreuses possibilités, et c’est le sens des amendements déposés par le groupe SRC.

Nous considérons que le Gouvernement doit écrire noir sur blanc les raisons pour lesquelles il estime que sa responsabilité est menacée, engagée, mise en cause, égratignée. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, l’esprit constructif que vous appelez de vos vœux doit être suivi de preuves de votre part car il est tout à fait possible que vous nous donniez au moins la possibilité de contrôler les bonnes ou les mauvaises motivations. Cela nous permettrait d’avoir des précédents, de construire une jurisprudence et de sortir peu à peu de la culture de la puissance pour entrer dans celle du droit et de l’équilibre.

La culture de la puissance est celle du rapport de force. C’est un peu d’ailleurs l’atmosphère de ces débats que nous déplorons. Maintenant, on entend des orateurs de la majorité, quand ce n’est pas le président de séance, contrôler le contenu de nos propos, ce que je n’avais jamais vu jusqu’à présent. Maintenant, on nous coupe la chique au milieu de nos démonstrations, ce qui est insensé. Je n’ose dire que c'est incongru, pour reprendre un mot employé par M. Karoutchi dans un journal paru ce matin.

Nous avons besoin que le débat s’épanouisse et se libère. Nous avons besoin de la culture du droit, du précédent, de la jurisprudence, et non celui du rapport de force que vous semblez aimer pratiquer. Nous en avons besoin, y compris sur les pouvoirs que la Constitution donne au Gouvernement, ce que nous déplorons.

Nous demandons donc instamment au Gouvernement d’avancer vers nos propositions et de retenir les amendements que nous défendrons tout à l’heure, point par point.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement et le rapporteur estiment que nous ferions d’une certaine façon la fine bouche sur une affaire qui constituerait une évolution remarquable, à savoir l’extension du droit de résolution pour le Parlement. Le moins que l’on puisse dire, c'est que le Parlement a peur de son ombre. Lorsque l’on parle de « droits du Parlement » et de « rééquilibrage des pouvoirs », le débat porte nécessairement sur les relations entre le Parlement et l’exécutif.

En fait, c’est le pouvoir exécutif qui sera seul maître à bord pour juger de la poursuite des procédures de résolution. Le Premier ministre pourra exercer seul, sans aucune motivation particulière, un droit de veto, renvoyant le Parlement à ses études avec une sorte de pouvoir discrétionnaire.

Et l’on pourrait même imaginer un traitement différent des résolutions, suivant qu’elles émanent de l’opposition ou de la majorité. Dans une telle perversion du système, notre seul moyen de contestation serait alors la parole.

Vous nous proposez un cadre législatif extrêmement restreint sur lequel vous réclamez nos applaudissements. Souffrez quand même que nous vous ramenions à la réalité de ce qui n’est, pour l’essentiel, qu’un effet d’annonce et qui, dans tous les cas, va une nouvelle fois nous conduire à fonctionner sur une revendication commune : sortir de la décision préalable du Conseil constitutionnel sur le droit de résolution pour s’emparer d’un droit partagé par l’ensemble des démocraties occidentales. Reconnaissez que nous sommes aujourd’hui face à un dispositif qui conduit à accepter de passer sous les fourches caudines de l’exécutif.

Nous devrions réagir collectivement et dire au secrétaire d’État mais aussi au président de la commission des lois, qui accepte d’aller vers ce carcan en chantant, qu’il faut affirmer les droits du Parlement. Monsieur le président de la commission des lois, vous devriez être au service du Parlement et non de la majorité et renverser la hiérarchie de vos préoccupations.

De ce point de vue-là, je pense que vous devriez renverser la hiérarchie de vos préoccupations. Vous nous rappelez souvent à l’ordre sur la nécessité de faire de bonnes lois et de respecter les droits du Parlement. Or, lorsque, en tant que président de la commission des lois, vous nous amenez à voter un texte sur la simplification du droit tout en acceptant, il y a quelques jours, cinq amendements qui autorisent le Gouvernement à modifier des pans entiers de notre droit par voie d’ordonnances sans que ce texte ait jamais été annoncé nulle part ni débattu dans aucune commission, je pense qu’avant de nous donner des leçons sur la revalorisation des droits du Parlement, vous devriez reconsidérer certaines pratiques.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Alain Vidalies. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, je tiens à appeler votre attention sur l’examen et le vote, mardi 6 janvier au soir, d’un texte sur la filiation, pour souligner le fait que le Parlement s’abaisse lorsque les contraintes de l’exécutif, qui sont celles du calendrier – donc les vôtres, monsieur le secrétaire d'État, pas les nôtres – imposent qu’il se taise. Ce texte soulevait pourtant des problèmes majeurs, dont celui de la suppression de l’action en recherche de maternité dans le cas de l’accouchement sous X, qui est une vraie difficulté juridique, à propos de laquelle nous avions déposé des amendements. Ce qui s’est alors passé n’est pas à l’honneur de notre assemblée puisque la mission du rapporteur UMP et du président de la commission a été d’aboutir à un vote conforme afin que ce texte n’encombre plus notre ordre du jour. Le résultat en termes de droit positif est, qu’à ce jour, nous avons collectivement accepté – mais il vous revient de l’assumer – que, dans le droit français, il y ait à la fois l’accouchement sous X et, après l’accouchement sous X, la possibilité d’une action en recherche de maternité, ce qui fait rire tout le monde.

M. le président. Monsieur Vidalies, je vous prie de conclure, d’autant que vos propos n’ont pas grand-chose à voir avec le présent texte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Nous sommes au contraire au cœur du sujet !

M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Alain Vidalies. Je conclus, monsieur le président, tout en ne partageant pas votre appréciation car nous traitons bien de la revalorisation des droits du Parlement.

Je rappelle simplement que, dans des circonstances très récentes, sous votre responsabilité, le Parlement n’a pas rempli ses obligations. Il peut se ressaisir aujourd'hui en exigeant l’exercice d’un véritable droit de résolution.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.

M. Jean-Claude Fruteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, je suis parlementaire de la nation depuis dix-neuf mois après huit années passées au Parlement européen où j’ai pratiqué le droit de résolution.

Si, alors même que je ne suis pas un technicien du droit, j’ai souhaité intervenir dans ce débat qui est si important pour les droits de l’opposition – des droits qui doivent être aussi chers aux élus de la majorité qu’à ceux de l’opposition, du fait qu’en vertu de l’alternance la vocation de toute majorité est de retourner un jour dans l’opposition – c’est qu’il s’agissait, à mes yeux, d’une obligation en raison des enjeux importants posés par ce débat.

C’était une obligation, tout d’abord, parce que ce projet de loi organique modifiera radicalement les référentiels, que nous connaissons aujourd'hui, sur lesquels repose l’exercice d’un droit fondamental du parlementaire : le droit à la liberté d’expression. Désormais la volonté de chacun d’entre nous de débattre, de changer une loi et d’exprimer nos visions pour faire vivre pleinement notre démocratie pourra être bridée.

C’était une obligation, ensuite, parce que je ne peux que regretter, même si j’ai voté contre la réforme constitutionnelle, l’énorme gouffre qui sépare, d’un côté, les annonces faites et les garanties posées lors des débats sur cette réforme et, de l’autre, le texte qui nous est aujourd'hui présenté. Les masques, avec les jeux de séduction visant à emporter l’approbation des parlementaires hésitants au cours des débats de juillet dernier, sont bel et bien définitivement tombés. On voit aujourd'hui le peu de considération que le Gouvernement a pour les droits du Parlement.

C’était une obligation, enfin, parce qu’en lisant, dans les comptes rendus, les déclarations de certains membres de la majorité et du Gouvernement – j’ai entendu une attaque inqualifiable de M. Jego sur RFO contre le parti socialiste qui pratiquerait l’obstruction, empêchant ainsi sa loi-programme de venir en discussion devant nous –,…

Mme Valérie Rosso-Debord. C’est un peu vrai.

M. Jean-Claude Fruteau. …je ne saurais accepter qu’auprès des Français on taxe d’obstruction un député de l’opposition qui joue son rôle, à savoir propose des alternatives concrètes et opérationnelles et clarifie les positions grâce au débat constructif que nous pouvons avoir et que, souvent du reste, nous avons dans cet hémicycle, en vue de changer ce qui nous paraît mauvais.

Le nombre de projets de loi examinés n’a cessé de croître durant les dix-neuf premiers mois de la législature. Qui peut sérieusement prétendre que cette inflation législative a contribué à l’amélioration de la qualité des lois ? Très sincèrement, je le pense d’autant moins que la publication des décrets d’application est obstruée par l’embouteillage des lois adoptées, ce qui rend les mesures, votées ici tambour battant, inapplicables à plus de 60 %, voire à plus de 90 % en ce qui concerne les lois votées après déclaration d’urgence.

Dans les faits, l’obstruction des députés de l’opposition n’est donc pas le facteur déterminant empêchant l’application des lois.

Ce chapitre Ier, qui concerne les propositions de résolution, est ainsi cruellement frappé du sceau de la volonté de puissance. Non seulement, en effet, seul le Premier ministre pourra se prononcer sur la recevabilité d’une proposition de résolution élaborée par les élus de la nation et il n’aura pas à se justifier de sa décision face aux élus du peuple, mais, de plus, sa décision sera sans appel et les membres du Gouvernement seront entendus à sa demande.

Que dire dès lors aux citoyens français de La Réunion, qui comptent sur moi et sur nous pour représenter ici leurs positions ? Je serai dans l’obligation de leur dire que si ce texte est voté en l’état, je n’aurai plus le droit de souhaiter, dans une proposition de résolution, que la pénurie de logements qui affecte le quotidien des Réunionnais trouve une solution, que la pauvreté rampante qui plonge plus de 52 % de la population réunionnaise sous le seuil national de pauvreté soit une priorité nationale…

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le député.

M. Jean-Claude Fruteau. …et que le niveau des grossesses non désirées, qui est beaucoup plus élevé là-bas que partout en France – triste record, hélas –, soit traité comme il se doit.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Tout cela est inexact.

M. Jean Mallot. Permettez que nous nous exprimions !

Mme Marylise Lebranchu. Vous devez répondre.

M. Jean-Claude Fruteau. Les exemples de propositions de résolution que nous aurions pu présenter ne manquent pas.

En le faisant, j’aurais fait exactement ce que les citoyens attendent de nous. Si ce texte est voté en l’état, je ne le pourrai plus, ce que je regrette fermement.

C’est la raison pour laquelle je souhaitais affirmer ici mon opposition à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Puis-je vous faire remarquer, monsieur Fruteau, que les méthodes du Parlement européen contraignent le débat ?

M. Jean Mallot. Ici, nous sommes à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Vuilque. Allez-y au Parlement européen ! Là-bas, il n’y a personne dans l’hémicycle et les députés arrivent les uns après les autres.

Mme Marylise Lebranchu. Les débats n’y sont pas terribles !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Alors que l’article 1er porte sur les nouveaux droits des parlementaires, je m’efforcerai de résumer les vices qui, en la matière, devraient être à nos yeux corrigés. Nous en voyons six.

Le premier concerne le droit de veto du Premier ministre sur le sort des propositions de résolution et le deuxième le fait qu’il n’y a aucune obligation pour le Premier ministre de motiver sa décision. Le Premier ministre décide que la proposition est irrecevable : point ! Hier, en défendant la question préalable, j’ai rappelé que lorsqu’une minuscule association doit être déclarée illégale en France, il faut une délibération du conseil des ministres et la publication d’un décret, afin que chacun puisse connaître les motivations d’une telle décision, et lorsqu’il s’agit d’interdire au Parlement de délibérer, on ne souffrirait pas que chacun puisse connaître les raisons qui conduisent le Premier ministre à prononcer une telle irrecevabilité !

Le troisième vice tient dans le fait que le Premier ministre n’est tenu, pour répondre, à aucune obligation de délai. C’est d’autant plus préjudiciable pour le Parlement qu’il est prévu dans le texte que la proposition de résolution déposée par un parlementaire devra être transmise sans délai par le président de l’Assemblée nationale au Premier ministre, sans que rien nous permette de prévoir le temps que mettra le Premier ministre à répondre sur le caractère recevable ou non de cette proposition. L’obligation de délai, qui existe pour l’Assemblée nationale, n’existe donc pas pour le Premier ministre !

Le quatrième vice est l’absence de tout débat possible avant l’avis du Premier ministre, puisque sa décision tombera ex abrupto.

Le cinquième vice peut sembler sans importance, mais il conviendra de le creuser. En effet, alors que chacun s’accorde à penser que les résolutions sont un acte parlementaire, en voilà un qui n’est pas amendable ! Il peut être simplement rectifié par son auteur – nous y reviendrons.

Enfin – sixième et dernier vice –, le Gouvernement n’est entendu en commission ou en séance que s’il le souhaite. Tel est du moins l’état actuel du texte – je sais que le président de la commission des lois, M. Warsmann, qui est aussi un rapporteur vigilant, proposera de supprimer la phase de la commission. Il n’en reste pas moins qu’en l’état, le texte du Gouvernement prévoit que ce dernier ne vient devant les commissions que s’il le souhaite. Si une commission veut entendre le Gouvernement, celui-ci peut très bien faire la sourde oreille.

Le véritable problème posé par l’article 1er concerne le champ de l’irrecevabilité. Il est très vaste.

Tout d’abord, selon l’article 34-1 de la Constitution, sont potentiellement déclarées irrecevables les propositions contenant des injonctions. Ce principe ne nous pose pas de problème puisqu’il est conforme à la séparation des pouvoirs. Personne, en effet, ne saurait ici prétendre donner des ordres au Gouvernement, même si, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous le cache pas, la chose nous tente souvent,…

M. Arnaud Montebourg. En effet, cela ne lui ferait pas de mal, de temps en temps.

M. Jean-Jacques Urvoas. …surtout lorsque nous lui voyons commettre certaines bourdes qui mériteraient, sinon une sanction, du moins une alerte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg. Mais on ne peut pas lui voter des astreintes.

M. Jean-Jacques Urvoas. Toutefois, restons dans la tradition. Nos débats étant placés sous les auspices de l’ordre et de la justice, je tiens à respecter le principe de la séparation des pouvoirs.

C’est le champ de cette irrecevabilité, en revanche, qui suscite notre désaccord avec le rapporteur. Le texte de la Constitution prévoit que le Gouvernement « estime » et non « décide » de l’irrecevabilité. Nous souhaitons donc que l’Assemblée nationale assume sa capacité à décider de l’irrecevabilité. Le Gouvernement « estime » et l’Assemblée nationale applique. À un moment ou à un autre, le Parlement doit intervenir, d’autant que la Constitution, en évoquant la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, prévoit que « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité » – j’ai entendu les explications de M. le secrétaire d’État à ce sujet et je tiens à l’en remercier – : je note donc que les résolutions dont le rejet serait, lui aussi, de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, seront également irrecevables, ce qui donne à celui-ci un champ considérable, comme le reconnaît notre rapporteur à la page 77 de son rapport.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je m’apprête à citer un bon auteur, monsieur le président, puisqu’il s’agit de M. Warsmann : « La Constitution laisse cependant une très grande marge d’appréciation au Gouvernement » – c’est un constat –, une marge d’appréciation qu’il nous faudrait limiter.

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Le droit de résolution, introduit par la révision constitutionnelle, est présenté par le Gouvernement comme le pendant à la limitation du droit d’amendements des parlementaires. Plus besoin de trop parler ou de trop amender les projets de loi puisque le droit de résolution permettra aux parlementaires d’exprimer leur opinion sans venir obstruer le débat législatif. Outre le fait que l’assouplissement encore théorique des mécanismes du parlementarisme rationalisé correspond simplement à la nouvelle configuration politique – un seul parti politique détient à lui seul la majorité absolue à l’Assemblée nationale depuis près de six ans –, il faudrait que les nouveaux droits reconnus au Parlement soient effectifs. Or ce droit de résolution est tellement cadenassé dans le projet de loi qu’on peut raisonnablement douter de sa mise en application. Telles sont donc les questions qui sont aujourd'hui posées : celle de notre rôle comme celle de l’objectif que nous avons poursuivi en déposant ces amendements, en clair les raisons qui ont été les nôtres à le faire.

Ces raisons sont nombreuses : tout d’abord protéger le droit de résolution contre d’éventuelles limitations supplémentaires ; ensuite contrecarrer les futures restrictions qui pourraient apparaître soit dans le projet de loi organique au cours des navettes, soit dans le règlement des assemblées ; également éviter que l’Assemblée ne soit transformée en tâcheron législatif, confiné à l’examen et à l’adoption des projets transmis par les cabinets ministériels ; enfin sauver le droit de débattre sur le fond des sujets et l’initiative individuelle de chacun d’entre nous en conservant notre indépendance de travail et de réflexion, sauver notre esprit critique, en un mot sauver la démocratie en rappelant qu’elle impose de laisser au Parlement la liberté et le temps du débat, lequel passe incontestablement par le droit d’amendement, un droit dont on nous a dit jusqu’à ce jour qu’il était imprescriptible.

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Je me réjouis que nous en venions au débat sur la création de libertés d’expression pour le Parlement et que nous en finissions avec le message en boucle de la majorité nous expliquant à quel point il était scandaleux de ne donner que dans l’obstruction.

M. Patrick Ollier. C’est pourtant vrai.

M. Bernard Lesterlin. Je fais allusion aux interventions de M. Ollier pour la personne duquel j’ai néanmoins beaucoup de sympathie et pour la fonction duquel j’ai beaucoup de respect.

M. Patrick Ollier. Je vous remercie, monsieur Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Ce qui intéresse le groupe socialiste, ce sont les libertés. Dénoncer la lutte de l’opposition en faveur des libertés constitue une erreur politique grave car les Français restent les Français : ils seront toujours derrière ceux qui défendent les libertés et non derrière ceux qui dénoncent je ne sais quelles manœuvres d’obstruction.

M. Karoutchi expliquait fort justement devant le Sénat que le droit de résolution est un mode d’expression politique destiné à marquer un vœu ou une préoccupation, mais aussi un moyen de décharger nos lois de dispositions qui n’ont pas de portée normative. Mais qui donc élabore des lois qui n’ont pas de portée normative et de façon excessive, sinon le Gouvernement ? Il convient donc que l’exécutif mette en œuvre ses propres préconisations.

Comme l’heure ne semble plus aux procès d’intention ni aux accusations gratuites, il serait temps, monsieur le secrétaire d’État, que vous répondiez sur le fond, sans doute à la fin de la discussion sur l’article 1er, à la question fort pertinente que notre collègue Laurent Fabius a posée hier. Il reste en effet des zones d’ombre sur les arrière- pensées du Gouvernement et, pour la sérénité du débat, il serait bon qu’il s’exprime par votre voix.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Nous abordons l’examen de ce qui pourrait être un nouveau droit du Parlement. Je regrette que déjà au moment de la révision constitutionnelle, ce droit ait été limité au maximum et que, de surcroît, le présent texte entende à ce point le « rationaliser ».

Nous devrions examiner plus attentivement les exemples étrangers. J’ai encore en tête l’intérêt de nos collègues, hier soir, lorsque nous évoquions le cas des autres parlements européens. Nous ne devons pas avoir peur de ce nouveau droit. Dans les parlements où il est en vigueur, il fonctionne bien, n’entrave pas la discussion, ne constitue en rien une manœuvre d’obstruction. Il permet même de s’emparer de questions d’actualité et de mener de vrais débats politiques.

J’ai cité hier l’exemple du Danemark. La constitution portugaise, quant à elle, prévoit ce type de résolution ; ainsi, une centaine est déposée par session. Dans de nombreux autres États, en revanche, le pouvoir de voter des résolutions relève du règlement des assemblées, auxquelles on fait donc confiance. C’est le cas au Bundestag allemand, où plusieurs dizaines sont discutées chaque année. En Espagne, sous la précédente législature, entre 2004 et 2007, le Congrès des députés a voté 806 résolutions. En Italie aussi, c’est le règlement – en son article 110 – qui prévoit le vote de motions et de résolutions – plusieurs centaines sont ainsi adoptées chaque année. Au Royaume Uni, enfin, on relève deux types de procédures qui permettent l’adoption de plus de 4 000 prises de position chaque année sur des sujets d’actualité.

Aussi les propositions de résolution ne doivent-elles pas être considérées comme un pis-aller, un défouloir, mais bien comme un vrai moment de débat. Pour cela, un dialogue avec le Gouvernement sur la question de la recevabilité doit être possible. Un droit de veto sans contestation possible sur les résolutions parlementaires n’est pas admissible, à moins de vouloir déplacer le débat à l’extérieur de l’enceinte de nos assemblées.

Nous souhaitons en effet que le débat ait lieu ici et nous aspirons à ce dialogue car on peut très bien imaginer demain que le Gouvernement donne son accord à des résolutions déposées par l’opposition tout en faisant valoir que, de toute façon, elles seront rejetées par la majorité. On voit bien, par ailleurs, qu’il peut accorder son crédit à des résolutions émanant de la majorité parce qu’elle soutiendrait le Gouvernement.

Nous aurions pu tomber d’accord, il y a quelques mois, sur une résolution relative à l’importance et aux objectifs de la réforme de la carte judiciaire et à la méthode pour bien la conduire – en ce qui concerne notamment la consultation des élus. Nous aurions tous pu voter la même résolution donnant ainsi au Gouvernement l’avis de l’Assemblée. Nous n’aurions dès lors pas accepté, ni au sein de la majorité ni au sein de l’opposition, que le Gouvernement nous réponde par la négative, interdisant toute discussion, sous prétexte que la résolution pourrait être assimilée à une injonction.

Nous souhaitons donc préciser ce point, monsieur le président. Le pouvoir de résolution ne doit pas être un pouvoir d’injonction mais participer d’un vrai débat démocratique entre le Parlement et le Gouvernement. Nous pensons donc qu’il convient d’apporter au texte les corrections que prévoient nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Si nous en sommes à l’article 1er, nous évoquons de fait, plus généralement, le chapitre Ier, qui porte sur les résolutions.

La Constitution dispose que les assemblées peuvent voter des résolutions dans des conditions fixées par la loi organique. Cela nous ramène à un argument souvent repris par le président de la commission ou par le secrétaire d’État, selon lesquels, puisqu’il faut une loi organique, votons-la. Or il ne saurait s’agir du présent texte qui contient des dispositions qui n’ont pas le caractère organique mais relèvent du règlement de l’Assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. C’est inexact !

M. Jean Mallot. Grâce au pouvoir d’interpellation dont nous disposons, d’une certaine manière, grâce aux nombreux amendements que nous avons déposés, nous allons pouvoir évoquer les nombreuses questions qui n’ont pas encore été abordées.

Selon l’exposé des motifs, grosso modo, il s’agit d’améliorer la qualité de la loi grâce à la diversification des modalités d’expression du Parlement – et en particulier par le biais du droit de résolution dont le champ serait élargi. Il est en outre assez étonnant de constater que, selon le même exposé des motifs, les résolutions serviraient à éviter de charger les lois de dispositions insuffisamment normatives. On dissocierait donc l’élaboration de la loi, strictement normative, et les résolutions qui lanceraient quelques incantations. S’agit-il donc, monsieur le secrétaire d’État, d’une autocritique ? Qui vous oblige à rédiger des projets de loi insuffisamment normatifs ? C’est à vous de les rédiger convenablement.

En ce qui concerne les résolutions, je souhaite entrer plus avant dans le débat sur la recevabilité et sur la relation entre le Parlement et le Gouvernement. On peut observer trois rapports de force. D’abord, le dualisme entre la majorité et l’opposition tel qu’il résulte du fait majoritaire empêchera à jamais le vote d’une résolution de l’opposition. Ensuite, en ce qui concerne les relations entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement, nous y reviendrons au moment de l’examen de l’article 3, le Premier ministre dispose d’un droit de veto sur les propositions de résolution sans avoir à le motiver. Enfin, on ne saurait négliger le rapport entre le Gouvernement et sa majorité.

Que se serait-il en effet produit si, en début de législature, il y a dix-huit mois, des parlementaires issus de quelque groupe que ce soit avaient déposé une proposition de résolution souhaitant l’interdiction de la culture des OGM en plein champ ? Le débat eût été riche et nous aurait permis de trouver un consensus autour de cette idée tirée du principe de précaution désormais constitutionnel.

M. le président. Il est temps de conclure, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. J’en viens à ma conclusion, mais vous savez, monsieur le président, pour m’avoir écouté depuis le début, que je ne m’écarte en rien de l’examen de l’article 1er et des suivants.

On voit bien que le Gouvernement aurait été mis en difficulté par le vote d’une résolution sur l’interdiction de la culture des OGM en plein champ et qu’il n’aurait pu trouver d’argument pour écarter cette proposition. Cela aurait considérablement modifié le déroulement de nos débats.

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Je parle sous le contrôle de M. Tourtelier, qui a suivi le texte sur la question des OGM.

M. Philippe Tourtelier et M. Bernard Lesterlin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Le droit de résolution constitue bel et bien une avancée. L’inconvénient est que lorsque le Président de la République fait une annonce à la télévision, dès qu’il s’agit de la mettre en œuvre, il la vide de son contenu ou bien en détourne l’objet. Ainsi du droit de résolution, le Gouvernement pouvant opposer son veto à une proposition qui le gêne. Ce droit de résolution est tellement « cadenassé » qu’il ne servira guère qu’à la majorité pour encenser, accompagner la décision gouvernementale.

Mais je parle du Gouvernement alors qu’il est mort sur l’autel de la transparence. Désormais, entre le Président de la République et le peuple, il n’y a que la télévision, qu’il tient désormais dans sa main de fer, en en contrôlant toutes les orientations. Ainsi, au moment où nous débattons du renforcement des droits du Parlement, M. Raffarin a émis ce matin sur BFM une remarque des plus judicieuses. Au journaliste qui l’interrogeait sur l’absentéisme des sénateurs de l’UMP, l’ancien Premier ministre a répondu : « Pourquoi voulez-vous que nous soyons présents dans l’hémicycle pour discuter d’une loi déjà en vigueur ? » M. Raffarin d’ajouter qu’il est normal que les sénateurs de l’UMP ne soient dès lors pas très présents en séance plénière. Juste remarque à l’attention de ceux qui sont supposés renforcer les pouvoirs du Parlement, lui redonner du lustre !

Il y a là un vrai problème. Une fois de plus, on parle du renforcement des pouvoirs du Parlement alors que, dans la réalité, on se moque de lui d’une façon inadmissible.

Pourquoi se place-t-on sur le registre de la déclaration et non sur celui de l’action ? Parce que le Président de la République entend gérer, lui et lui seul, le pouvoir médiatique. Il veut absolument que le temps politique devienne le temps médiatique. Alors que celui-ci est un temps court et celui-là un temps long, il essaie de réduire cet écart. Il voudrait qu’un propos tenu le matin sur je ne sais quelle chaîne de télévision devînt, le soir même, une loi.

Pour supprimer le temps qui sépare une annonce de sa mise en œuvre, on supprime beaucoup de choses. Il n’est que de voir ce qui passe s’agissant des nominations sur France Télévisions. Mais voyons aussi la façon dont, en permanence, nous travaillons au sein de ce Parlement depuis quelques mois.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. J’en arrive à ma conclusion, monsieur le président. Vous avez raison de m’y inviter, et je vous en remercie, car elle est très importante.

Ce que je veux souligner, c’est que nous sommes conduits à travailler dans le cadre d’un autre régime que le régime parlementaire. On veut couper la parole à l’opposition. Et derrière ce droit de résolution, il s’agit en fait de rogner les droits de l’opposition.

Si nous nous opposons à ce projet de loi, c’est parce que nous pensons que le temps politique n’a rien à voir avec le temps médiatique.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Je voudrais d’emblée préciser que vous ne pourrez pas m’objecter que ce que je vais dire n’est pas en rapport avec l’article 1er, parce qu’un article n’est jamais isolé de son contexte.

De même, l’argument qui consiste à dire que des amendements identiques ne sont qu’un seul et même amendement est complètement inopérant. Car ce qui est important, ce n’est pas le texte, mais ce qu’on en dit : nous sommes là pour nous exprimer, et c’est l’expression des parlementaires qui est importante à propos d’un texte.

En termes de démocratie, l’explication de texte est indispensable. On connaît beaucoup de textes qui ont été votés et qui ont été inefficaces parce que n’ayant pas suffisamment pris en compte les réels problèmes qu’avaient soulevés les députés. On connaît aussi des textes qui auraient pu être efficaces mais qui n’ont pu être mis en œuvre parce que les députés n’ont pas pu correctement les expliquer.

Notre rôle de députés, c’est de faire le lien entre l’expression du peuple – nos électeurs – et les textes que nous adoptons ici. Or, ce que nous vivons aujourd’hui, c’est le contraire, c’est-à-dire que les députés de la majorité acceptent, de fait, un mode de fonctionnement complètement différent, où les décisions sont prises par un seul homme, après quoi des explications descendantes sont relayées par les députés et par les médias. Il n’y a plus de débat, plus d’expression remontante.

Le Président de la République a une pratique des institutions assez particulière. Monsieur le secrétaire d’État, même si vous ne m’écoutez pas, je signale tout de même ce point à vos collaborateurs : …

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Si, je vous écoute !

M. Philippe Tourtelier. Je vous remercie. Vous avez dit tout à l’heure : « Si on respecte l’esprit des institutions,… ». Mais pensez-vous que l’on puisse avoir confiance quand on voit comment le Président de la République respecte actuellement l’esprit des institutions ? Évidemment non !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il le respecte !

M. Philippe Tourtelier. Quand il met en place un groupe de travail, que ce soit sur la justice ou sur le Parlement, il n’attend même pas ses conclusions pour prendre des décisions. Voilà qui illustre un détournement complet de l’esprit des institutions, une rupture de l’équilibre des pouvoirs, ce que l’on pourrait appeler, en d’autres termes, une dérégulation politique. Or, on sait où mène la dérégulation. Mais en politique, c’est beaucoup plus grave, et cela peut être malsain, voire dangereux.

Revenons aux fondamentaux : la démocratie nécessite de l’information, et celle-ci nécessite du débat, donc une expression libre. Mon collègue Marcel Rogemont a déjà fait remarquer que les médias, un des outils principaux du débat démocratique, sont repris en main. Je n’insiste pas sur ce point, mais il est clair que l’on se prive là d’un outil de la démocratie.

Le deuxième outil fondamental, c’est l’Assemblée nationale, et le Parlement d’une façon générale. Or, vous réduisez son expression. C’est effectivement une insulte à la dignité des sénateurs que de les faire discuter d’un texte qui est déjà appliqué. Et cela préfigure, malheureusement, la façon dont l’ensemble du Parlement sera traité une fois qu’auront été adoptées les dispositions que vous proposez.

Nous avons affaire à une dérive vers un régime de plus en plus autoritaire. Et cela se fait avec la complicité, voire le lâche soulagement, d’un certain nombre de députés de la majorité, puisqu’ils soutiennent ce texte.

Cet affaiblissement historique de notre démocratie et de notre expression parlementaire nécessite une réflexion assez profonde. Je vous invite, chers collègues de la majorité, à ne pas voter votre mort uniquement parce qu’on vous l’impose d’en haut, et à relire le livre qu’a écrit La Boétie au XVIe siècle, Discours de la servitude volontaire.

M. Marcel Rogemont. Excellent ! Cela fera du bien aux collègues de l’UMP, eux qui ont leur siège rue La Boétie, justement !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Un peu de respect !

(Une interruption émanant d’un banc du groupe UMP suscite de vives protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri. Je fais observer que c’est le douzième intervenant sur l’article 1er.

M. Marcel Rogemont. On ne peut pas laisser dire que les socialistes étaient à Vichy !

M. Yves Durand. De tels propos sont scandaleux !

M. le président. Monsieur Néri, le décompte de votre temps de parole a débuté.

M. Alain Néri. Monsieur le président, je voudrais quand même pouvoir intervenir dans un climat de sérénité. Et je voudrais demander à notre collègue de retirer les paroles déplacées, excessives et antirépublicaines qu’il vient de prononcer. Je me demande, monsieur le président, qui fait de l’obstruction.

M. le président. Monsieur Néri, c’est moi qui préside cette séance. Je crois que vous connaissez le fonctionnement de l’Assemblée : c’est le président qui préside, et personne d’autre. Moi, je n’ai entendu aucune parole. Poursuivez votre propos.

M. Alain Néri. Je voudrais, avant de poursuivre mon intervention, que notre collègue veuille bien retirer les propos déplacés et antirépublicains qu’il vient de tenir. Car si l’on veut entrer dans ce type de considérations, chers collègues de la majorité, j’ai peur que nous ne soyons obligés à notre tour de tenir des propos qui ne vous donneront pas beaucoup de satisfaction. Mais nous n’entrerons pas dans ce misérable jeu.

Monsieur le président, nous sommes au cœur d’un débat qui, au fur et à mesure qu’il se déroule, montre bien la volonté de museler l’opposition, d’empêcher l’exercice du droit légitime à l’expression des représentants du peuple. Nous sommes ici ceux qui détiennent, les uns comme les autres, une parcelle de la représentation nationale.

À travers ce texte, vous nous avez déjà démontré que vous ne souhaitiez pas que nous puissions user de notre droit d’amendement, comme il est légitime dans une démocratie. Maintenant, nous en sommes au problème de l’inscription des résolutions à l’ordre du jour. Comment accepter, dans une démocratie, que des parlementaires ayant déposé une résolution puissent voir celle-ci ne pas venir en discussion par le seul fait du prince, le Premier ministre imposant son veto ? J’avais cru comprendre que le veto nous ramène au temps de Louis XVI. Or, « M. Veto » a été conduit à quitter le pouvoir dans des conditions que je ne souhaite à personne.

Comme nous sommes ici par la volonté du peuple, nous ne souhaitons pas, effectivement, que le Premier ministre puisse exercer un quelconque droit de veto. Il est vrai que depuis l’arrivée à la présidence de la République de Nicolas Sarkozy, la Constitution est particulièrement malmenée. Nous sommes pratiquement dans une situation de coup d’État permanent. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Huyghe. Ces propos sont scandaleux !

M. Alain Néri. Car aujourd’hui, le Président de la République s’arroge les prérogatives du Premier ministre, lequel ne fait en réalité qu’obéir à ses ordres. Il est ravalé au rang de directeur de cabinet. Et encore, seulement dans certains cas !

On voit bien que la précipitation avec laquelle vous nous amenez à discuter de ce texte vise tout simplement à répondre aux injonctions du Président de la République.

Monsieur le président, parce que nous sommes garants des droits de la représentation nationale, nous ne pouvons accepter une quelconque restriction au droit de parole des députés et des sénateurs. C’est pourquoi nous souhaitons que le veto sur les résolutions soit levé. On peut certes discuter de leur nombre, de leur répétition, du moment où l’on peut les déposer, c’est-à-dire des conditions de travail de l’Assemblée nationale, mais le droit de veto, lui, est contraire à la République et à la démocratie.

M. Jean-Jacques Urvoas. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais tout d’abord remercier M. Urvoas de ce qu’il a fait tout à l’heure pour que nous en venions enfin au sujet. J’apprécie, à titre personnel, le thème de ses interventions, qui ne manquent jamais de nous replacer au cœur du texte, ce qui n’est pas toujours le cas dans nos débats.

Monsieur le président, je voudrais, avec votre autorisation, et pour faire gagner du temps à l’Assemblée, intervenir à la fois sur les articles 1er, 2 et 3.

Le groupe Nouveau Centre se réjouit que l’on revienne enfin au droit de résolution dans notre assemblée. Ce droit avait été aboli en 1958. Notre Parlement était l’un des seuls, dans le monde démocratique, à ne pas avoir le droit de se saisir d’un sujet que ses membres choisissent eux-mêmes sans avoir à en demander l’autorisation.

Je soulignais l’autre jour – et je crois que M. Urvoas vient de le faire à son tour – combien il est invraisemblable que nous n’ayons pas pu, il y a quelques années, affirmer par notre vote notre position sur le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. De même, l’un de nos collègues a évoqué tout à l’heure la question des OGM, qui avait fait l’objet, avant l’adoption d’une loi sur ce sujet, d’un débat dans le pays, débat dont le Parlement fut privé, ce qui est dommage.

Chacun peut donc s’accorder ici sur le fait que c’est là un nouveau droit qui apparaît, ou plutôt qui est rétabli après avoir été aboli en 1958. Je le dis d’autant plus que, durant le débat sur la révision constitutionnelle, chacun s’en souvient, ce n’était pas chose évidente. Certains étaient opposés à ce que l’on rétablisse le droit de résolution.

À cet égard, je veux d’ailleurs témoigner du fait que j’ai participé à une réunion au cours de laquelle le chef de l’État lui-même – que l’on vient de qualifier d’antirépublicain – a exprimé, contre les représentants de sa propre majorité, son souhait de voir adopter le droit de résolution. Je le dis pour rétablir la vérité historique, puisque j’ai vécu cela personnellement.

D’autre part, il faut clarifier les choses : le projet de loi parle de notre capacité à déposer des résolutions et non à les inscrire à l’ordre du jour. J’y reviendrai à l’occasion de l’examen de l’article 4. Nos débats ne doivent pas se perdre dans la discussion autour de l’inscription à l’ordre du jour. Les articles 1er, 2 et 3 portent bien sur notre capacité de déposer des résolutions.

Le groupe Nouveau Centre votera un amendement du groupe socialiste – ou faut-il dire vingt-deux amendements identiques ? –, je veux parler de l’amendement n° 999. Celui-ci prévoit en effet d’inscrire dans la loi organique, et cela me paraît une bonne chose, qu’un parlementaire ne pourra pas être limité dans le nombre des résolutions qu’il dépose. Et c’est justement pour cela que je précisais à l’instant que nous parlons bien du dépôt des résolutions et non de leur inscription à l’ordre du jour. Car il n’est pas concevable que nous devions discuter toutes les résolutions qui ont été déposées. Si c’était le cas, leur nombre pourrait être tel que nous risquions de ne plus faire que cela, au détriment de ce qui est quand même la mission première d’un Parlement, à savoir le vote de la loi.

Monsieur Warsmann, votre amendement n° 2 prévoit que le président de chaque assemblée transmet sans délai toute proposition de résolution au Premier ministre. Il est plus court et plus simple. Mais, à moins que cela ne soit prévu dans un autre amendement – nous ne disposons pas de toutes les liasses –, il me semble que la transmission en commission a été omise. Monsieur le rapporteur, ou monsieur le président de la commission, comme vous le souhaitez, pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?

Dernier point, l’article 3 prévoit « la capacité de refus du Premier ministre. Cela pose deux problèmes.

D’abord, il n’y a pas de motivation du Premier ministre.

Ensuite – et, comme il s’agit d’une loi organique et que nos débats seront examinés par le Conseil constitutionnel – j’aimerais que M. le secrétaire d’État puisse me rassurer sur un point. Si le Premier ministre vient à refuser une résolution, il en informe évidemment par écrit le Président de l’Assemblée nationale. Il s’agit donc bien d’un acte administratif, d’une décision administrative, qui est déférable devant le Conseil constitutionnel. Cela ferait tomber une argumentation, que j’entends depuis quelques heures, selon laquelle cette décision ne pourrait faire l’objet d’aucun recours possible, ni d’aucune contestation, ce qui serait un cas unique en droit.

Je pense que si le Premier ministre est amené à émettre par écrit un refus, cet acte, comme c’est le cas pour n’importe quelle autre autorité de la République, peut être déféré.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Non ! Il y a eu beaucoup de rappels au règlement qui n’en étaient pas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Depuis le début de la séance, je n’ai fait que des rappels au règlement fondés. Ce sera encore le cas. Sinon, je demande une suspension de séance.

M. le président. Seul, M. Dosière a la parole.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce n’est pas acceptable !

M. le président. Monsieur Dosière, vous ne souhaitez peut-être pas prendre la parole ?

M. René Dosière. Si !

M. le président. Si M. Dosière ne prend pas la parole, nous passerons à l’orateur suivant.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce n’est pas acceptable ! La suspension est de droit.

M. le président. Monsieur Urvoas, je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement après l’intervention de M. Dosière.

M. Jean-Jacques Urvoas. La suspension de séance est de droit !

M. le président. Vous n’avez pas à prendre la parole sans que je vous la donne, monsieur Urvoas.

Je vous la donnerai après l’intervention de M. Dosière.

Je vous en prie, monsieur Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, compte tenu de ce que souhaite le responsable de notre groupe, je demande avec l’autorisation et l’accord du responsable de notre groupe, qui est autorisé à le faire, …

M. Jean-Jacques Urvoas. Tout à fait !

M. René Dosière. …une suspension de séance, pour que notre groupe puisse se réunir brièvement et examiner les propos absolument inadmissibles tenus dans notre hémicycle.

M. le président. Monsieur Dosière, il me semble, que, dans une vie antérieure, vous avez été à ma place.

M. René Dosière. Tout à fait !

M. le président. Vous devez donc bien connaître le règlement et savoir que vous n’avez pas à demander une suspension de séance.

Je vous donne la parole pour intervenir sur l’article. Je donnerai ensuite la parole à M. Urvoas.

M. René Dosière. Monsieur le président, je n’ai pas mis en doute cette possibilité, puisque je vous disais que le président de notre groupe m’avait transmis ce pouvoir.

Nous allons aborder le droit de résolution, que l’on nous présente comme un droit nouveau, considérable, donné aux parlementaires.

Je suis plus sceptique et moins enthousiaste que M. Lagarde. Il est un peu paradoxal de nous dire : « Voilà un droit nouveau », alors que nous examinons un texte qui vise aussi à réduire le droit d’amendement des parlementaires. C’est un problème autrement sérieux et conséquent que le droit de résolution.

Les résolutions sont soumises à un veto du Gouvernement, qui décidera de leur recevabilité, …

M. Jean-Claude Sandrier. C’est inacceptable !

M. René Dosière. …dans des termes suffisamment généraux – M. Urvoas a d’ailleurs montré que c’était tout à fait discutable.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est pas acceptable !

M. René Dosière. J’avais pensé que le droit de recevabilité pourrait peut-être être accordé au Président de l’Assemblée nationale. Cela aurait été dans le sens de la restauration des droits du Parlement et de sa prééminence. Mais lorsque j’ai vu la manière dont il a mis à bas plus de mille amendements en décidant de leur irrecevabilité, j’avoue ne plus être trop tenté par cette possibilité.

Même si une résolution est acceptée par le Gouvernement, elle ne sera pas nécessairement discutée, puisqu’elle sera renvoyée en commission. Et comme le dit M. le président de la commission des lois dans son excellent rapport : « Cette proposition ne sera sans doute jamais discutée, puisqu’il n’existe aucune obligation de le faire. »

Le texte, tel qu’il est rédigé, est en décalage avec la pratique. On nous dit qu’il ne faut pas que des résolutions mettent en cause le Gouvernement. J’ai relu l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. » Franchement, est-ce aujourd’hui le Gouvernement qui détermine la politique de la Nation ? Quand on voit le Président de la République annoncer qu’il n’y aura plus de publicité à la télévision publique, alors que le ministre de la communication n’en sait rien, on peut s’interroger.

M. Yves Durand. On peut effectivement se poser des questions !

M. René Dosière. Quand on voit le Président de la République annoncer que l’on va supprimer le juge d’instruction, alors que Mme la garde des sceaux n’en sait rien et qu’elle est obligée, de ce fait, de raccourcir son congé de maternité pour être présente, nous sommes même devant un cas de harcèlement politique. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

On se demande qui commande !

Que le Président de la République s’occupe de tout, après tout, il a été élu par les Français. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Marcel Rogemont. Nous aussi, nous avons été élus par les Français !

M. René Dosière. Il n’a peut-être pas été élu pour s’occuper de tout ! Mais enfin !

Mais il y a plus grave encore ! Lorsque l’on entend à la radio ou à la télévision, ou lorsqu’on lit dans les journaux les déclarations de collaborateurs du Président de la République – je cite M. Guaino et M. Guéant – qui donnent des ordres aux ministres, qui les corrigent même, qui donnent des ordres au Président de l’Assemblée national –, …

M. Marcel Rogemont. C’est scandaleux !

M. René Dosière. …on peut se demander sous quel type de régime nous sommes ?

M. Alain Vidalies. Bonapartiste !

M. René Dosière. Je comprends pourquoi le Président de l’Assemblée a fait supprimer l’un de nos amendements, qui prévoyait de rétablir le Consulat. Sous le Consulat, les assemblées n’avaient plus le droit à la parole. Nous sommes en train d’évoluer insidieusement vers ce type de régime.

Je n’accepte pas qu’un fonctionnaire, non élu, puisse donner des ordres aux parlementaires et au Premier ministre. C’est un régime inadmissible et qu’il nous faut condamner.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie de me donner la parole pour ce rappel au règlement. Je souhaite que vous me donniez acte du fait que je n’abuse pas de cette capacité offerte à celui qui assume la responsabilité pour le groupe de demander ce genre d’intervention.

Monsieur le président, vous avez dit tout à l’heure ne pas avoir entendu une interpellation dans l’hémicycle, alors que nous avons entendu sur nos bancs des mots particulièrement désagréables émanant d’un collègue dont je ne connais pas l’identité.

Je voudrais être certain que ces mots que nous avons entendus et que nous jugeons assez graves au regard de notre Histoire ne figureront pas au compte rendu de la séance.

M. le président. J’ai fait vérifier cela. Quant à moi, je n’ai rien entendu.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est l’altitude !

M. le président. Personne, ici, n’a entendu quoi que ce soit. Rien n’a été noté au compte rendu.

M. Jean Mallot. En tout cas, chacun doit contrôler ses expressions !

M. Franck Gilard. C’est de l’Histoire, mon cher collègue !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous reprenons les orateurs inscrits sur l’article 1er.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je souhaite tout d’abord dire à notre collègue qu’en ces temps extrêmement difficiles, la démocratie est d’une grande fragilité.

Des propos lancés parfois comme cela pourrait être le cas en fin de soirée, dans une réunion, au café, pourraient faire l’objet de débat. Mais, ici, ils ne sont pas acceptables. Car la fragilité de la démocratie vient aussi de ce genre de fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il y en a eu des deux côtés !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons jamais proféré de tels mots – en tout cas, je l’espère.

Je souhaite revenir à l’article 1er. Je suis atterrée de constater que le Gouvernement n’a pas confiance dans sa majorité.

M. Alain Vidalies. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu. C’est tout au moins la lecture que l’on peut faire.

Une résolution émanant par exemple d’un groupe de l’opposition – le groupe socialiste dont je fais partie – pourrait peut-être recevoir l’accord d’un certain nombre de parlementaires et être votée. C’est un manque de confiance fort.

Dans une assemblée comme la nôtre, je pense que sur un certain nombre de sujets – nous avons parlé des OGM, on pourrait évoquer des pôles de l’instruction, on aurait pu parler des services de l’État sur les territoires – une majorité différente de celle qui conduit à la nomination du Premier ministre pourrait se dégager.

Mais le Premier ministre, en laissant passer cette écriture, dit à tous parlementaires de la majorité qu’il n’a pas confiance en eux et qu’il a peur de ce qui pourrait se passer au Parlement. C’est la leçon que j’en tire et c’est bien ce qui m’effraie.

Face au Gouvernement, toutes les majorités ont toujours éprouvé une forme d’inquiétude, comme si quelque ministre avec quelques grands commis de l’État – directeurs généraux des services de l’administration centrale – pouvaient ne jamais se tromper et donc ne rien recevoir de positif de la part du Parlement. Cela m’effraie fortement.

Monsieur Lagarde, il n’y aura pas de recours. Pour en formuler, il faudrait qu’il y ait des attendus concernant la motivation. Or, il n’y aura pas de motivations. Cela signifie que ce n’est pas une possibilité pour le Premier ministre de renvoyer des motivations que nous pourrions contester – les voies du recours pourraient être ouvertes -, mais purement et simplement un droit de veto.

Je pense que le Premier ministre commet une erreur en ne donnant pas de preuve de confiance à sa majorité et en pensant que, d’une manière globale, le Parlement n’est pas responsable. Je reste persuadée que des parlementaires, élus au suffrage universel et qui ont envie que leur société évolue, qui ont envie de faire « civilisation », comme disait le Président de la République, sont capables d’être raisonnables et de savoir qu’une résolution ne peut pas être un simple droit d’injonction à un Gouvernement, qui n’aurait pas la capacité de les suivre.

Je fais confiance au Parlement et je souhaite que les parlementaires de la majorité nous rejoignent, au minimum sur les motivations, pour qu’ils puissent avoir aussi recours à ces résolutions aujourd’hui et dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Depuis le début de la XIII e législature, nous avons entrepris un travail assez extraordinaire : la réforme de la Constitution.

Certains d’entre nous tentent de répondre aux questions que nous posaient nos professeurs de droit constitutionnel il y a une trentaine d’années, et qui sont toujours présentes aujourd’hui.

C’est passionnant. Cela nous a engagés à apporter notre contribution intellectuelle, juridique, institutionnelle et politique bien évidemment à ce travail.

Je me suis interrogé à la manière des professeurs de droit constitutionnel : est-ce que la Ve République et sa Constitution seront les instruments d’une démocratie moderne ? La vraie question me semble être : sommes-nous capables de construire une Constitution fondée sur l’exigence de la démocratie moderne ?


À mes yeux, cette exigence a été parfaitement définie par Marylise Lebranchu à l’instant et je me permettrai de prolonger sa réflexion.

Si la démocratie moderne consiste à créer des instruments prétendument détenteurs d’un pouvoir, tout en s’arrangeant pour qu’un seul détienne entre ses mains la capacité d’anéantir la possibilité d’action des assemblées, alors ce n’est pas la démocratie moderne.

Dans deux ou trois ans, à la fin de notre débat constitutionnel, à la question de savoir si la Ve République a, au gré des évolutions constitutionnelles successives, été capable d’offrir à notre pays une démocratie moderne et de maintenir la renommée de la France, contestée désormais dans beaucoup pays dans le monde, en tant que pays de la liberté et de la démocratie, je répondrai par la négative.

Lorsque, dans une loi constitutionnelle, vous affichez le principe du droit d’amendement, mais que vous faites immédiatement référence à une loi organique, ce que nous contestons depuis le début, je persiste à penser que cette loi constitutionnelle ne sert que des intérêts politiques, et non la démocratie moderne.

Le droit de résolution constitue un apport nouveau dont on peut considérer qu’il constitue une étape vers la démocratie moderne, mais à partir du moment où cette faculté dépendra de la volonté du Premier ministre, sans qu’il y ait besoin d’une quelconque motivation, et selon des délais indéterminés, alors, on peut affirmer que le droit de résolution ne constitue pas une avancée de la démocratie.

Certes, il y aura des propositions d’amendements, mais je rappelle que c’est le Gouvernement qui nous soumet son texte. Pour l’instant, l’exécutif et le Président de la République, par des affichages largement portés par les médias, dans des raccourcis intellectuels et juridiques parfois agaçants, continuent à imprimer l’idée qu’ils modernisent notre vie politique, alors qu’en réalité, petit à petit, ils suppriment tout instrument de contre-pouvoir.

J’ai souvent rappelé qu’un contre-pouvoir n’anéantissait pas une autorité et l’exercice d’une responsabilité, mais qu’il pouvait atténuer…

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. … les excès et les abus.

La forme du droit de résolution retenue par le Gouvernement n’est pas un progrès démocratique. Une fois de plus, vous aurez privé la France de ce grand rendez-vous avec la démocratie moderne. Je ne cesserai de le répéter jusqu’au terme de ce débat et, dès le lendemain, je ferai savoir, un peu partout, que le Président de la République n’avait nullement l’intention de faire entrer notre pays dans la démocratie moderne.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Les dispositions constitutionnelles des articles 34, 40 et 41 limitent significativement l’initiative des députés. Sur cette base, le Conseil constitutionnel a déclaré qu’une assemblée ne peut, sans atteinte, à la Constitution, assigner aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions relevant de la compétence exclusive de cette assemblée. Cette décision date de juin 1959. Cinquante ans après, c’est une loi organique qui vient rogner le peu d’initiative qui restait à l’Assemblée nationale.

Progressivement, l’Assemblée se rapproche d’un parlement génétiquement modifié…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. N’exagérez pas !

Mme Marietta Karamanli. …et le conduit à être le supplétif, et seulement le supplétif, du couple exécutif.

La rigueur du dispositif est anachronique dans la mesure où la Constitution du 4 octobre 1958 a mis fin à la possibilité pour l’Assemblée nationale de mettre en cause le Gouvernement par des procédures que l’on pourrait qualifier de procédures à la marge, comme les nommait Michel Debré.

Les résolutions d’aujourd’hui ne sont pas les résolutions d’hier. La mise en jeu de la responsabilité politique du Gouvernement, en cas de vote d’une résolution, n’est plus possible.

Votre loi vaut un régime d’assemblée qui n’a plus cours depuis plusieurs décennies. En se trompant d’époque, le Gouvernement trompe les Français. Il détruit les bonnes racines de notre démocratie. Non seulement, il modifie génétiquement notre assemblée, mais, de plus, en fait une petite créature végétale et végétative !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ne mélangez pas tout !

Mme Marietta Karamanli. Comme le disait l’éminent constitutionnaliste, Pierre Avril, les résolutions ne sont plus qu’un avis dans le sens où le terme est impropre s’agissant d’un vote, c’est-à-dire de la décision d’une assemblée représentative.

Assimiler les résolutions de l’Assemblée nationale aux actes sur lesquels le Premier ministre a un droit de veto, et qui devront, pour aller plus loin, lui convenir, lui faire plaisir, le satisfaire, c’est ramener notre assemblée à être une chambre d’enregistrement de la volonté gouvernementale. Autrement dit, s’il n’y a plus de risque de censure, le principal risque, demain, est de trop d’autocensure.

Dans la plupart des démocraties parlementaires, les résolutions existent et sont libres : les résolutions directes, les résolutions partielles ou indirectes.

La résolution directe impose le débat. À titre d’exemple, on pourrait imaginer que nous adoptions une résolution dans laquelle nous déclarerions que l’Assemblée nationale entend rester maîtresse de ses résolutions.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Marietta Karamanli. Le Gouvernement aurait le choix de se rallier ou de s’opposer à l’esprit de la résolution, mais il ne pourrait pas se dispenser d’apporter une réponse circonstanciée. Demain, une fois, cette loi adoptée, nous ne pourrons plus aussi librement, aussi légitimement et aussi souverainement affirmer que l’Assemblée nationale entend rester maîtresse de ses résolutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Après la dix-septième intervention sur l’article 1er, je donne la parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 3853.

M. Jean-Claude Sandrier. Le vote de résolutions parlementaires a été historiquement une victime du parlementarisme rationalisé. La Constitution de la Ve République, dans sa rédaction initiale, promulguée le 4 octobre 1958, ne mentionne pas le terme « résolution ». La question du maintien de ce droit se pose donc lors de l'élaboration des règlements des assemblées parlementaires.

Saisi automatiquement des projets de règlement, le Conseil constitutionnel a, dans ses décisions des 17 et 24 juin 1959, interdit « les propositions de résolution qui ont un objet différent de celui qui leur est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions relevant de la compétence exclusive de l'assemblée, c'est-à-dire les mesures et décisions d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de ladite assemblée, auxquelles il conviendrait éventuellement d'ajouter les seuls cas expressément prévus par des textes constitutionnels (…) ».

Ce strict encadrement des résolutions a eu pour effet de réduire de manière considérable le champ des résolutions, qui ne peuvent exister aujourd'hui que dans un nombre très limité de cas : modification du règlement de l'Assemblée, levée de l'immunité de l'un de ses membres, mise en accusation du Président de la République ou, depuis 1992, déclaration sur un projet d'acte de l'Union européenne.

Aussi, l'article 34-1, élargissant, apparemment, le champ des résolutions constitutionnellement admises, a été présenté comme une novation constitutionnelle. Sa portée est pourtant très limitée, pour ne pas dire autre chose.

Certes, l'article 34-1 consacre la possibilité pour les parlementaires de voter des résolutions. Il ne s'agit pas d'une innovation majeure, puisque, comme je l'ai rappelé, une première réintroduction de la technique des résolutions parlementaires avait déjà été menée par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992. En outre, la lecture de l'article 34-1 de la Constitution révèle, au-delà de la volonté de surmonter la jurisprudence constitutionnelle, la méfiance, toujours d'actualité, à l'égard de cette procédure, qui se trouve soigneusement encadrée. L'origine de cet article se trouve pourtant dans la proposition n° 48 du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, qui invite à insérer un alinéa à l'article 24 de la Constitution rédigé comme suit : « Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. »

« Soucieux à la fois d'éviter l'adoption de lois “bavardes” et dénuées de portée normative et de permettre au Parlement d'exercer la fonction “tribunitienne” utile au fonctionnement de toute démocratie, le Comité recommande de lever l'interdit qui frappe les résolutions. »

La souplesse initiale du projet, qui laissait l'opportunité aux parlementaires de se saisir assez largement de cette nouvelle procédure, a été considérablement réduite. Cette possibilité sera fort improbable, au moins pour ce qui concerne les propositions émanant de l’opposition.

Le régime des propositions de résolution tel qu il ressort de l'article 34-1 de la Constitution et les dispositions contenues dans le projet de loi organique que nous débattons privent les parlementaires, et plus spécifiquement ceux de l'opposition, d'une quelconque marge de liberté, qu'il était initialement question de leur attribuer.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous ne pouvez pas dire que j’abuse de la parole, monsieur le président.

M. le président. Je n’ai pas dit cela, monsieur Sandrier. Je vous fais seulement observer que vous arrivez au terme des cinq minutes qui vous sont imparties pour défendre votre amendement.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce droit est limité puisque les propositions de résolutions ne doivent contenir aucune injonction à l’égard du Gouvernement ni aucune remise en cause de sa responsabilité. Autrement dit, la possibilité, en tout cas pour l’opposition, de déposer une proposition de résolution est hautement improbable.

C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l'article 1er du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable. La suppression de l’article 1er reviendrait à empêcher tout dépôt de proposition de résolution.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même avis que la commission.

Demande de vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Dans ce festival d’hypocrisie…

M. Jean Mallot. Vous êtes un expert !

M. Jean-François Copé. … auquel nous assistons depuis le début de ce débat, où l’opposition utilise la totalité des armes disponibles en matière d’obstruction, il en est une qu’elle pratique fréquemment. Pour une fois, histoire de montrer combien tout cela est grotesque, je voudrais, à mon tour, y recourir. Vertu pédagogique supplémentaire ! On a aimé le clip, on aimera la vérification du quorum !

Le règlement prévoit une disposition par laquelle, en toute hypocrisie, on peut demander l’interruption d’un débat si l’on estime qu’il n’y a pas suffisamment de députés en séance.

M. Jean Mallot. M. Copé vient de déclarer qu’il est hypocrite. Au moins, les choses sont claires !

M. Jean-François Copé. Jean-Marc Ayrault y recourt régulièrement, dévoyant l’utilisation de cette procédure dans le but d’interrompre les débats à n’importe quelle heure de la journée afin de nous bloquer un peu plus.

M. Jean Mallot. Tartuffe !

M. Jean-François Copé. Il se trouve que la demande de vérification du quorum n’est possible qu’une fois par jour. Dans ce concours de tartufferie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), nous avons pensé qu’en demandant cette vérification à douze heures cinquante-huit, nous réglions le problème pour la journée. M. Ayrault ne pourra pas nous « piquer » une heure de débat et nous faire « buller » – aux frais du contribuable…(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Pour buller, vous êtes fort !

M. Jean-François Copé. Il me semble donc que le quorum n’est pas atteint : il n’y a même pas la moitié des députés présents en séance ! Incroyable ! Il est tout de même dommage que tant de députés n’aient pu entendre dix-sept interventions identiques sur l’article 1er et aient raté ce spectacle !

M. Marcel Rogemont. Vous auriez mieux fait d’écouter !

M. Jean-François Copé. À une heure moins une minute, je vais, monsieur le président, demander la vérification du quorum afin que vous constatiez que nous ne sommes pas assez nombreux pour débattre. Nous en aurons ainsi terminé pour la journée avec cette procédure ridicule ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. C’est vous qui êtes ridicule !

M. Yves Durand. Voilà la contribution positive de M. Copé au débat !

M. Jean Mallot. Le président Copé a agi sur ordre du président de l’UMP ! Les choses sont claires !

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe UMP d’une demande faite en application de l’article 61 du Règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l’amendement n° 3853.

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Compte tenu de l’heure, je vais renvoyer ce vote à la prochaine séance et lever la séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)